LEROIC (Martin) Yvonne

Yvonne Leroic est née le 7 mai 1904 à Paris 18ème.
Elle tient un café à Crucey en 1939.

Elle était séparée de son premier mari M. Guilloux et avait croisé le chemin de Jules Vauchey qui deviendra le Chef du maquis de Crucey-Brezolles. Cet ancien douanier de l’octroi à Malakoff en banlieue parisienne était venu prendre sa retraite à Crucey avec un de ses collègues recherché comme réfractaire au STO.

Le couple gère le bistrot appelé le Cri-Cri d’Or en référence à Christiane, la fille d’Yvonne encore adolescente durant l’Occupation.

Le café d’Yvonne est, comme tous les débits de boisson de la région, très fréquenté par les soldats allemands notamment en 1944.
C’est pourtant le quartier général du maquis où des repas sont préparés par Yvonne Léroic notamment avant le départ aux parachutages vers le terrain de la Pommeraie à la Saucelle.
Sinclair et Silvia Montfort ont souvent déjeuné et dormi à Crucey dans cet établissement.
Yvonne assure donc le ravitaillement et le logis des résistants de passage, et communique les renseignements utiles. Le lieu sert aussi de boite à lettres où les messages sont transmis aux groupes de maquisards de Saulnières, Crucey, Clévilliers, Dreux et La Ferté Vidame. Elle est affiliée à Libé-Nord et participe au balisage du terrain de parachutage comme les hommes.

Elle reçoit aussi 4 aviateurs canadiens dont l’avion avait été abattu. Parfois un agent parachuté de Londres se repose quelques heures chez elle.

Le 20 juillet 1944, un nouveau parachutage à la Pommeraie est préparé au Cri-Cri d’Or. Il est massif et la centaine d’hommes sur le terrain ne peut emporter toutes les armes dont une partie affectée à Dreux est enfoui sur place sous le contrôle de Pierre July avoué et chef du groupe de Dreux.et d’autres cachées aux Mittereaux chez Albert Marie pour le stock de Crucey.
Le chargement devra être récupéré ultérieurement.

Mais sur le terrain, deux inconnus mêlés aux résistants surveillent les opérations et les responsables. Dans la confusion, personne ne s’inquiète de cette présence insolite. Après la réception du matériel, tous les chefs se retrouvent au Cri-Cri D’Or pour finir la nuit.
Dans les jours qui suivent Pierre July est arrêté le 24 juillet sur les marches du palais de justice de Dreux. Il est interrogé sur l’endroit où les armes ont été cachées dans le bois de Bellegarde vers lequel il conduit les Allemands qui découvrent ainsi le stock.
Puis il conduit, menotté, les soldats à Crucey,

Le 25 juillet à 4 heures du matin, les soldats encadrant Pierre July forcent la porte du café de Crucey et perquisitionnent partout. Yvonne a le temps de brûler tous les papiers compromettants avant d’être mise sous bonne garde.

Jules Vauchey peut se cacher dans des touffes de dahlias le long de la maison et ne sera pas pris.
Mais Yvonne Leroic est arrêtée et dit fièrement au revoir à sa fille Christiane.
Elle est transférée à la prison allemande rue des Lisses à Chartres avec Pierre July où elle retrouve d’autres détenues dont Jacqueline Frelat et Madame Dufayet l’épouse du garagiste de Boisville la Saint Père.
Interrogée par la Gestapo elle ne parle pas et ne reconnait pas les noms qu’on lui présente alors que ce sont des résistants du secteur qui ont souvent dîné chez elle.

Après ces interrogatoires, elle est transférée au Fort de Romainville tandis que les prisonniers hommes vont à Compiègne. July s’évadera le 17 août dans le transfert en Allemagne.
15 jours plus tard, elle monte dans un wagon surchargé de prisonnières à destination des camps de déportation.
Un billet hâtivement écrit est jeté sur la voie qu’un cheminot fera parvenir à sa famille.
Le voyage vers Ravensbruck durera 7 jours par une chaleur torride pour ces femmes assoiffées. Le 21 août 44 c’est l’arrivée au camp alors qu’en France Chartres recommence à goûter de sa liberté.
Le régime du camp est terrible : insultes et matraquage si l’on s’approche des fontaines pour boire. Vêtements et objets personnels sont confisqués contre une robe sale marquée d’une grande croix.
Les paillasses sont couvertes de puces où logent 5 femmes pour une place prévue.Les toilettes sont infectes et nauséabondes. Quant à la nourriture elle se résume à un jus clair où flotte des feuilles de betteraves, 100 g de pain noir et une rondelle de saucisson pour toute la journée.
Les repas sont pris dehors par n’importe quel temps.

Les prisonnières sont employées au terrassement avec un appel qui dure de 3 heures à 7 heures du matin debout devant les baraques. puis c’est le départ aux corvées.
Transférée à Torgau début septembre, Yvonne subit les bombardements alliés sur les installations industrielles du camp, mais cela lui donne quelques minutes de repos.
Puis le 9 octobre nouveau transfert à Operodoat en usine où elle est affectée aux cuisines mais aussi à la décharge des wagons de charbon qui épuise les prisonniers dont beaucoup sont malades.
Début novembre, nouveau départ pour Mankleburg un camp disciplinaire à 8 km de Leipzig avec des gardiens féroces et des gardiennes véritablement sadiques.

Alors que le canon allié se rapproche du camp le 17 avril 1945, c’est un nouveau départ cette fois à pied dans ce qui ressemblera à une marche de la mort. Au détour d’un bois, véritablement épuisée, Yvonne tente le tout pour le tout et fonce vers les arbres avec quelques femmes. 2 jours cachées dans ce bois à chercher de quoi se nourrir dans les champs de betterave, les évadées rencontrent les troupes US le 20 avril.
A Leipzig, des soldats français les prennent en charge et les nourrissent en les conduisant à la frontière belge en camion puis à Amiens où elles montent dans le train pour Paris.
C’est le retour en France où Yvonne découvre les ruines consumées de son café de Crucey et la joie de retrouver Christiane sa fille.
Elle avait perdu 22 kgs durant sa déportation et, durant une année elle est très malade, ne pouvant avaler que des pommes de terre et de l’eau.

Sergent honoraire de l’Armée Française
Chevalier de la Légion d’Honneur

Le camp de Ravensbrück

D'après les souvenirs d'une autre déportée dans ce même camp pour les femmes
voici un texte rédigé par Marie-Justine Fogel née Jonas, Mosellane engagée
 dans la Résistance.

RAVENSBRÜCK Matricule 44238

Marie Justine FOGEL

née JONAS

 

 

 

Native de la Moselle, Marie Justine Jonas est arrêtée le 22 avril 1944 par la Gestapo pour faits de résistance.

Elle est incarcérée à la prison de Sarreguemines puis embarquée avec sa sœur et sa mère dans un train à destination du camp de transit de « Neue Brehm » Sarrebrück avec 250 autres personnes venant de Fresnes ou d’autres prisons.

Là, elle rencontre des « êtres squelettiques », plus « morts que vivants », humiliés et frappés.

Au bout de quatre jours, elles partent pour Francfort, puis Halle près de Leipzig.

Elles y vécurent « en connaissant la soif, la faim, le désordre, les ordures nauséabondes et la promiscuité ».

Elles sont ensuite dirigées vers Ravensbrück, en Prusse Orientale, « le plus important camp de concentration de femmes créé par le régime hitlérien ».

 

Dès leur arrivée, les déportées sont contraintes à de dures humiliations.

 

Le camp leur apparait comme un ensemble de baraquements, grands et petits, peints en vert d’où sortaient des « centaines de femmes vêtues de larges robes à larges raies », portant un numéro au bras gauche ; sur le vêtement était cousu un triangle de couleurs différentes ou une étoile jaune.

 

Elles marchaient, constamment harcelées par les surveillants et les chefs de colonnes, les kapos.

 

Le passage sous les douches les transforme définitivement en bagnardes après avoir été dépouillées de tout ce qu’elles possédaient. On leur rase la tête sous prétexte de poux, puis on leur donne des vêtements trop grands.

 

Enfin, Marie Justine Jonas reçoit un triangle rouge (politique) et un numéro : 44228.

Elle n’est plus qu’un matricule…

 

Dans le camp, elle est, en tant que Mosellane, regroupée avec les Allemandes.

Dans le camp, la voie principale est bordée à droite par les bâtiments des douches, de la cuisine et du four crématoire. Les détenues logent dans 32 baraques, numérotées. Des centaines de femmes, d’enfants juifs et de tsiganes y trouvèrent la mort.

 

La nourriture était faite de pain et de soupe, en évitant l’eau qui pouvait transmettre la typhoïde et la dysenterie. Le linge abritait les poux.

 

Malgré les interdictions, les détenues arrivent à communiquer entre elles et à transmettre les nouvelles, les événements militaires, amplifiées et surnommées « boîtes à bobards ». Elles supportaient le froid lors de l’appel à 4h30 dans les robes trop longues ou trop courtes, les pieds dans la neige.
Un examen dentaire au « Revier » (infirmerie) était l’occasion d’obliger ces femmes à se déshabiller entièrement.

 

Les punitions sous divers prétextes (bavardages, lenteur, alignements irréguliers, « coquetteries »…) avaient pour but de dégrader les détenues physiquement et moralement. On leur inflige des coups de « strafstehen » (c’est-à-dire en restant debout), une privation de plusieurs repas, le saccage des placards, l’épouillage avilissant et la confiscation du petit sac contenant quelques objets personnels.

 

Les nuits, c’était un nouveau calvaire en raison de l’entassement et à l’arrivée de nouveaux convois à la fin de 1944, il devint impossible de de s’allonger pour dormir.
En février 1945, on retira les couvertures. Le va-et-vient des équipes de nuit empêchait de dormir longtemps.

Au lavabo, pour la toilette, l’eau était souvent coupée ; les détenues se retrouvaient alors sales, apeurées et affamées.

 

Les vols entre détenues étaient multiples : sabots, vêtements, pain…

Comment tenir ?

Il fallait rester optimiste, trouver des consolations, partager des gestes amicaux.

 

Le camp était une entreprise prospère ; il servait l’économie du Reich en fournissant de la main d’œuvre aux entreprises de toute l’Allemagne, mais surtout aux ateliers et aux chantiers.

 

Marie Justine Jonas travaillait avec sa sœur et sa mère dans la carrière de sable. Il fallait remonter le sable, et les gardiennes, pour humilier les prisonnières, les obligeaient parfois à le ramener dans la carrière.

 

D’autres colonnes travaillaient sur les routes du camp.  Il fallait tirer sur une dizaine de cordes pour déplacer un énorme rouleau en béton. Une personne non affectée était « disponible » : c’étaient les femmes âgées, les malades.
Les « SCHMUCKSTÜCK » désignaient les personnes les plus misérables, obligées de porter des bidons de 50 litres et frappées par les surveillantes.

 

Les ateliers de confection fabriquaient jour et nuit des uniformes pour la Wehrmacht et les SS et des vêtements de déportés. Chaque mois, la production devait augmenter. Si le compte n’était pas atteint, les ouvrières étaient battues par les surveillantes puis par les SS.

Geneviève De Gaulle, du même âge que Marie Justine, pâle et frêle, travaillait dans ces ateliers de couture.

 

Elle rapporte également des tentatives d’évasion ; l’une des deux évadées est reprise rapidement et torturée.

Au « block des punitions », 50 coups de matraque (« gummistock ») étaient donnés par une prisonnière ukrainienne.

Le « STRAFBLOCK était la prison du bagne. Certaines détenues, devenues folles, étaient enfermées sans nourriture ni vêtement. Elles se battaient puis on les tuait.

Marie Justine Jonas évoque « la tente maudite du block 25 » qui accueillait les évacuées d’Auschwitz (tsiganes, juives, Russes, Polonaises) décimées par la marche forcée, la dysenterie et le typhus, puis les « sélections » quotidiennes des SS.

Sur 130 000 femmes passées par ce camp, 90 000 y ont laissé leur vie. Des médecins allemands se sont livrés à des « expériences médicales » (injection de bacilles dans des plaies, …) qui entrainaient la mort. 350 gardiennes SS surveillaient les Kommandos et autant à l’intérieur des camps. L’Oberaufseherin Dorothée BINTZ répandait la terreur dans le camp. Elle fonçait à bicyclette sur un groupe de femmes immobiles ou lançait un chien sur elles.

Plusieurs centaines d’enfants sont nés au camp puisque les blocks recevaient des femmes enceintes. Après l’accouchement, le nouveau-né était confié à un orphelinat nazi. Après 1942, lorsque le camp devient productif, on provoqua des avortements ou on tua les nouveaux nés.

Les réunions religieuses, même les prières, étaient interdites et durement réprimées.

A la fin de la guerre, ce fut le plus dur pour les détenues : les sélections s’accélèrent et les exécutions avaient lieu sur place. Les deux cheminées des fours crématoires crachaient des flammes jour et nuit sans parvenir à brûler tous les cadavres.

En janvier 1945, la mère et la sœur de l’auteur reçurent l’ordre d’aller au Jugendlager (« maison de convalescence »). On leur donnait la moitié de la ration de nourriture donnée à Ravensbrück. 300 prisonnières y mouraient chaque jour. Le rôle des SS était d’assommer les déportées ou de les empoisonner. Mais, miraculeusement, sa mère et sa sœur, ainsi que beaucoup de Lorraines en sont revenues, après y avoir vécu plus d’un mois.

Le 2 avril 1945, elles quittèrent le camp pour la gare d’ORANIENBURG. Elles embarquèrent dans des wagons à bestiaux après avoir erré 2 jours et 3 nuits. Le train qui devait arriver dans deux usines s’arrêta dans la campagne. En marchant, elles rencontrèrent des civils au regard hostile, puis arrivèrent dans un autre camp. Des prisonniers français y apportaient un peu de ravitaillement. Le 11 avril, les gardiens se rendirent aux soldats américains. Les détenues françaises chantèrent alors la Marseillaise.

 

Source :  brochure rédigée par Marie Justine JONAS

 

Texte de Pascal Biroleau (CEDREL)

 

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