Jeudi 24 avril 2025 Rendez-vous avec l’histoire du Préfet Jean Moulin à Chartres au tout début de l’Occupation.
Le 17 juin 1940 à 6 heures du matin, Jean Moulin attend sur le perron de l’Hôtel de Ligneris, où son logement et les bureaux de sa préfecture sont situés.
Il est entouré de Monseigneur Lejars, représentant le diocèse de Chartres et de Monsieur Besnard du conseil municipal. Ils attendent l’arrivée des Allemands qui investissent la ville désertée par ses habitants.
Tous les chefs de service public ont fui en exode. Il n’y a plus de pompiers et des immeubles brulent sous les bombardements. Il n’y a plus d’eau en ville car le service de distribution est parti. Plus de commerces ouverts, notamment les boulangeries.
Le préfet Moulin est resté dans la ville de Chartres pour tenter de protéger la population, organiser des secours, du ravitaillement avec le peu de moyens qui lui restent. Il est seul.
Lorsque les officiers allemands le saisissent, c’est au prix d’un mensonge car ils lui annoncent que le commandant de la place veut le rencontrer. Le Préfet revêt son uniforme et les suit au siège de la kommandantur. Mais là, il n’est plus question de parlementer avec le général Von Gütlingen le Feld-kommandant. Ce sont des brutalités, des coups de crosse, des coups de poing qu’il reçoit de ces officiers qui l’insultent.
Et la longue journée du 17 juin 1940 commence pour Jean Moulin.
Les Allemands veulent lui faire signer un protocole spécifiant que des soldats français, coloniaux du 26 ème régiment des tirailleurs sénégalais, ont massacré et torturé des civils français. Le Préfet Moulin refuse cette ignominie et tente de négocier: qu’on lui montre des preuves !
Emmené à la petite gare de La Taye, commune de St Georges sur Eure, il est jeté dans un cabanon sombre dans lequel gisent 9 corps déchiquetés et sanguinolents. Visiblement, il s’agit de victimes civiles des bombardements allemands sur les personnes fuyant sur les routes de l’exode.
Pour Jean Moulin, le protocole exigé par les officiers serait un parjure s’il était signé.
Il refuse et les coups pleuvent à nouveau.
Ramené à l’Hôtel-Dieu de Chartres il est enfermé dans l’appartement du concierge et gardé par les soldats. A une heure du matin, sentant ses forces le lâcher après toutes ces épreuves, Le Préfet Moulin décide de tenter le suicide “pour ne pas faillir à l’honneur”. Il se tranche une partie de la gorge avec un morceau de verre trouvé au sol. Le sang se répand sur l’uniforme jusqu’à 5 heures du matin au moment où les gardes le découvrent ainsi, râlant et mourant.
L’officier de garde panique à la vue du Préfet et ordonne des premiers soins au docteur Foubert, en poste à l’Hôtel-Dieu à ce moment. Chancelant, tenant à peine debout ,Jean Moulin est emmené à nouveau à la Kommandantur puis, du fait de son état , ramené chez lui à l’Hôtel de Ligneris où il se remettra durant plusieurs jours, nourri à la cuiller par un adolescent, Philippe, le fils de la concierge.
Ce” Premier combat” de Jean Moulin est un acte de résistance individuelle décidé par un homme qui ne veut pas mourir sous les coups des Allemands et ne signera jamais un document mettant en cause l’honneur de l’armée française.
C’est un acte fondateur pour ce futur chef de la Résistance Nationale à l’occupant.
Il consignera sur un carnet, et heure par heure, les évènements de cette longue journée du 17 juin 1940. Le carnet sera remis par lui à sa sœur Laure qu’il retrouve dans le Midi natal après avoir été radié par Pétain comme préfet de gauche, donc douteux.
Laure Moulin cachera les notes dans une boite en fer enterrée à St Andiol et ne les ressortira qu’après la guerre. Ces notes, les seules personnelles écrites par Jean Moulin, feront l’objet d’une publication en 1947 aux éditions de Minuit sous le titre “Premier Combat”.
C’est cette véritable tragédie qui a été évoquée, par le CEDREL, sur les lieux mêmes, où se sont déroulés ces faits historiques, qui ont été évoqués avec deux classes de troisième du collège La Loge des Bois de Senonches le 24 avril 2025 à Chartres et à La Taye.
Cette partie de l’histoire fera l’objet d’une expo plus large, conçue par ces jeunes et qui pourra circuler dans d’autres établissements.