Durant 4 jours à la Salle Pannard : expositions de documents et matériels militaires, table de presse/ dédicaces,etc…

Projection du film “RESISTER EN EURE ET LOIR” le samedi 21 septembre à 14 heures précises au 19 rue Pastre à DREUX

Débats et échanges ensuite avec le réalisateur.

Ce film est visible sur ce site en rubrique Documents puis Videos.

Le premier aout 1944 des escadrilles de B17 s’apprètent à bombarder le terrain d’aviation de Champhol. Sous les tirs de la FLAK allemande un appareil est touché et deux parachutes se déploient portant des aviateurs dont James Bozarth…

Conférence en Mairie de Lèves le 14 septembre 2024 à 15 heures

1er aout 1944, bombardement de Champhol

Lors de ce nouveau bombardement des installations allemandes sur le camp d’aviation, la FLAK, qui protège le camp d’aviation de Champhol, se déchaine sur les  58 forteresses volantes américaines B17.

L’une, d’elles touchée par un obus, est coupée en deux et des débris atteignent un autre bombardier qui va s’écraser aussi. Deux aviateurs sautent en parachute.

Pierre Doublet, un adolescent de 15 ans habitant avec sa famille rue de Longsault à Lèves voit descendre les 2 parachutes dont l’un atterrit à 50 mètres de chez lui. Le secteur est contrôlé par les Allemands et quiconque aide les aviateurs risque gros. Mais Pierre a la vitalité d’un jeune homme qui veut prendre ses responsabilités et affronter sa peur de l’arrestation.

Il court sur la route, puis repère l’aviateur tombé et enfin se dirige vers lui pour secourir ce soldat qui est blessé et ne peut se dégager seul de son parachute. Lentement, l’aviateur rejoint Pierre dans le bois pour s’y cacher de la vue des Allemands. Pierre lui fait retirer son uniforme, qui lui vaudrait une arrestation immédiate et lui procure des vêtements civils tout en le conduisant au réseau de résistance locale auquel participe Marcel Fargues et André Lesourd.

Il est donc récupéré par la résistance qui va le conduire dans le réseau Picourt après un séjour clandestin de 10 jours dans la ferme de la famille Foreau à Lucé où il est soigné par Denise la jeune fille de la maison qui est préparatrice en pharmacie chez Raymond Picourt rue de la gare à Chartres.

Dans l’uniforme, que Pierre endosse pour son plaisir personnel, il trouve le premier chewing gum de sa jeune vie et le consomme avec délice. Tout cela se passe dans le petit bois derrière chez lui et il s’en va cacher l’uniforme roulé en paquet tout en haut d’un arbre du bosquet. Il s’agit d’un If dans lequel Pierre a construit son observatoire tout en haut où il peut apercevoir les avions à Champhol. Le parachute est caché dans un grenier par les jeunes du hameau. Auparavant, Pierre a découvert le portefeuille de ce soldat et une photo apparait avec un nom : « Serg. Bozarth » que Pierre traduira par Serge Bozarth ignorant que le terme serg désignait en fait le grade de sergent. Il enveloppe la photo dans un papier sur lequel est dessiné un avion et l’oublie durant quelques années.

James BOZARTH Mitrailleur sur B17 américain

Pierre Doublet âgé de 15 ans en 1944 à Lèves

Ce précieux butin sera caché dans les sous-sols de la maison familiale et sera oublié durant presque 50 années.

En 1994, un texte municipal invite les habitants de Lèves à réaliser une expo avec des souvenirs ou des documents d’époque pour le 50ème anniversaire de la libération de Lèves. Pierre se souvient de ce trésor et l’exhume de sa cachette et raconte son sauvetage de l’aviateur dans un texte. Mr Jean Pierre de l’association Forced Landing, un chercheur spécialisé dans le monde des parachutages et crashes aériens, repère ce témoignage et va retrouver l’histoire de cet aviateur, son vol sur bombardier et finalement la famille de James Bozarth. Il identifiera aussi Harold Mapes l’autre aviateur tombé en parachute à coté de Bozarth et son arrestation par les Allemands. Les deux avions B17 qui ont été touchés avaient 18 aviateurs à leurs bords, seuls ces deux là ont survécu aux crashes.

Précision : les aviateurs doivent faire leur testament et emporter une photo d’identité.

Mais que sont-ils devenus après leur atterrissage à Lèves ?

Là, commence, la révélation de la trahison au sein des réseaux de résistance :

Pierre Doublet découvrira 50 ans après que l’aviateur, qu’il a sauvé, a été remis entre les mains de la Gestapo à Paris après avoir transité par le réseau Picourt. Revenu des camps de Buchenwald et Sagan Luft III et en pesant plus que 40 kg, Bozarth révèlera la traitrise qui concerne des dizaines d’aviateurs ainsi livrés aux Allemands. A noter que Herman Göring a fait déplacer nombre d’aviateurs alliés vers un camp spécial à Sagan où les conditions de détention étaient un peu meilleures, ceci dans un geste corporatiste envers les aviateurs.

Empêcher les aviateurs de regagner l’Angleterre est une priorité pour l’occupant et de gros moyens sont mis en place pour cela avec les services spécialisés du contre-espionnage allemand. De même, récupérer ces aviateurs compte beaucoup pour le moral des jeunes gens qui attendent le départ depuis Southampton. De plus former un pilote ou un radio nécessite 6 mois de travail avant de lui confier un bombardier qui est construit en à peine un mois.

L’enjeu est donc la consolidation et le développement des réseaux d’évasion à partir de la France occupée.

Il existe deux réseaux principaux ici : Hunter et Comète.

Le réseau Hunter Nord

Il se développe à partir de la région de Nonancourt à cheval sur l’Eure et l’Eure et Loir et ce autour du docteur Raoul Dauphin et des groupes de résistance animés par Nivelt, Le Lédan et Cutuil. Le réseau s’appuie sur une série de contacts d’hébergeurs qui vont cacher les aviateurs quelques jours avant leur transfert vers d’autres planques. Une ligne d’évasion est mise en place depuis Muzy dans l’Eure où Madame Orial et son aide Geneviève Desnos récupèrent de nombreux aviateurs tombés. Cette zone est très dangereuse pour les avions alliés partants de Grande Bretagne pour aller bombarder les installations allemandes de la région parisienne ou celles d’Allemagne.

Ils doivent traverser la Normandie et le nord de l’Eure et Loir où les ennemis ont placé beaucoup de postes de tirs anti-aériens avec leurs canons de 88. De plus une escouade des chasseurs de Göring est basée à St André de l’Eure pour surveiller cette voie aérienne.

La ligne Comète

 Andrée DE JONGH responsable du réseau Comète 

 Il fût mis en place par la résistance et animé par une femme, Andrée Dejongh, puis par son père, deux Belges entrés en résistance dès 1940. Comète est né en Juin 1941. Andrée DE JONGH s’attela alors à l’immense travail d’organiser une ligne d’évasion : pendant des mois, elle prit des contacts avec des résistants pour créer ce réseau, héberger les aviateurs, leur fournir des vêtements civils, des faux papiers. Elle recruta des guides basques, familier du passage des Pyrénées, organisa des relais, recruta des fermiers basques qui pouvaient cacher les pilotes en transit. Le réseau d’évasion est d’abord surnommé la “ligne DEDEE”

Ces deux réseaux ont été infiltrés par des agents allemands ( les V.Mann) et détruits en grande partie par l’action, entre autres d’un nommé Jean Jacques Desoubrie. C’est un sujet belge qui voue une dévotion extrême au régime nazi et qui ne déteste pas être rétribué à la livraison d’un aviateur. Chaque prise lui rapporte 20 000 francs.

Qui est Jean Jacques Desoubrie ?

Né le 22 octobre 1922 en Belgique dans une famille ouvrière, il a été très peu pris en charge par ses parents qui s’installent en France quand il atteint l’âge de 10 ans. Il passe le certificat d’études et un diplôme de mécanique à 17 ans.

Errant dans Lille fin 1940, il est arrêté par les Allemands qui le sanctionnent pour avoir porté un signe distinctif gaulliste sur lui. Il est fouillé et on trouve sur lui une fausse carte d’identité qui lui vaut une mise au secret 5 jours durant où il est copieusement battu par les soldats.

Insigne gaulliste, fausse carte, tout dans le personnage peut le destiner à la résistance naissante.

C’est l’inverse qu’il choisit en dénonçant les auteurs des faux papiers du café Vauban de Lille où il a noué ses contacts. Plusieurs personnes sont arrêtées dont il n’aura plus de nouvelles.

Logiquement, les Allemands lui demandent de travailler pour eux mais il refuse.

Il échoue en banlieue de Paris, sans emploi, où il survit ainsi plusieurs mois. En février 1941, il décroche un emploi de mécanicien au Fort d’Ivry transformé par la Wehrmacht en atelier de réparation de véhicules. C’est là qu’il rencontre un lieutenant allemand qui va le prendre en main et qui voit la possibilité d’un recrutement de ce jeune homme paumé. Les discussions s’approfondissent entre eux et Desoubrie découvre que l’idéologie nazie correspond à ces idées. Plusieurs fois sollicité par ce lieutenant, il accepte de se rendre à l’Abwehr , les services secrets militaires allemands.

 Desoubrie

Les services d’espionnage allemands ont même réussi à retourner quelques opérateurs radio alliés, parachutés en France et arrêtés, lesquels vont continuer à émettre sous contrôle allemand et attirer ainsi des dizaines d’agents qui tombent entre les mains de la Gestapo.

Le réseau Picourt à Chartres

Parmi ces réseaux de récupération d’aviateurs figure le réseau Picourt du nom du pharmacien de Chartres qui tient boutique avenue de la gare. Raymond Picourt est agent de renseignement gaulliste immatriculé à Londres. La règle de sécurité implique le cloisonnement de sa mission qui doit être unique.

Or Picourt est sollicité pour cacher des aviateurs chez lui et même de les convoyer à Paris où ils sont pris en charge. Il accepte.

Débordé par le flux des arrivants, il en confie quelques-uns à la fille de sa voisine qui ne fait pas partie de la résistance.

   Raymond Picourt

Un réseau se met en place autour de Picourt, sa préparatrice en pharmacie Melle Foreau et Mme Orsini la voisine.

Que s’est-il donc passé dans le réseau Picourt ?

Lorsque Raymond Picourt s’adresse à Madame Trenoy sa voisine âgée et sa fille Colette Orsini, il ne se doute pas un instant de la machination qui va se mettre en place au profit de la Gestapo.

Après avoir convoyé quelques aviateurs à Paris, Madame Orsini obtient un contact avec un ingénieur habitant rue de Madrid qui se nomme Henry et qui est un ancien du réseau Comète. Picourt va le rencontrer à Paris avec elle et la livraison des aviateurs prend de l’ampleur.

Ce que tous deux ignorent, c’est que Henry a été retourné par la Gestapo après son arrestation et qu’il travaille désormais pour elle.  Et Henry présente Desoubrie au réseau chartrain sous le nom de Jean Masson ou Pierre Boulain.

Tout se met en place avec l’appui de Guy Moreau, un instituteur, authentique résistant du groupe de Dreux, ancien agent de liaison du réseau Hunter, qui se charge de récupérer les aviateurs tombés et pris en charge par les résistants dans les villages comme celui de Madame Orial à Muzy.

Desoubrie remonte toute la filière des groupes de la résistance : Picourt le présente à Raymond Vauvilliers de St Piat qui le recommande à Pierre July lequel le met en contact avec Madame Orial, etc…

   Geneviève Desnos à Muzy  

                         Elise Orial et Stanley Booker (aviateur US)

 MM.Vauvilliers, bouchers de Saint Piat

Cela fonctionne pendant plusieurs semaines et Desoubrie livrera au moins 50 aviateurs tombés en Eure et Loir et dans l’Eure comme Bozarth, aviateurs passés par le réseau Picourt. Son tableau de chasse total dépassera 150 aviateurs alliés dont la plupart ne reviendront pas des camps de la mort.

   les camps de la Mort

Les masques tombent

Fin juillet 44, après l’attentat de Cherizy du 18 juillet 1944, Desoubrie abat ses cartes et tire une balle dans l’abdomen de Mme Orsini devenu sa maitresse. Guy Moreau est arrêté avec elle à Paris et parle. Il s’était vanté d’avoir fait le coup de feu contre les convois allemands et participé à l’explosion du viaduc. Desoubrie obtient de lui la confirmation du rôle de Pierre July, chef du groupe de Dreux, lequel sera arrêté et torturé avant d’être déporté.

Avec cet aveu qui confirme beaucoup d’informations détenues par les services allemands, plusieurs arrestations vont suivre dont celle de Yvonne Léroîc à Crucey. Plusieurs chefs de la résistance départementale sont obligés de fuir comme Sinclair et Silvia Montfort, Confais, Montet, Mary Thibault, etc, etc. des maquis sont encerclés ou détruits (Crucey, La Ferté Vidame, Saulnières)

Les américains sont aux portes du département et Desoubrie avec sa bande n’ont pas le temps de finir leur trahison. Quelques aviateurs ont été récupérés chez Picourt et chez Vauvilliers puis Desoubrie et sa bande partent en Allemagne.

Il sera arrêté à Augsbourg en 1947 et rapatrié en France, jugé et condamné à mort. Il est fusillé au fort de Montrouge le 20 décembre 1949 avant de crier une dernière fois : Heil Hitler.

Orsini sera acquittée en 1946 et Picourt sera jugé et finalement blanchi des accusations de traitrise.

Acquis en 1938 auprès de la famille VIELJEUX, ce centre d’essais des véhicules “révolutionnaires”, conserve encore aujourd’hui des mythes tenaces quant à sa proximité avec les Autorités Allemandes de l’époque – les SS s’y sont installés début 1944 – et , également, quant à la volonté résistante de la marque à soustraire le modèle emblématique de la future 2 CV connue sous le nom de TPV ou très petite voiture.

Avec des documents manuscrits et indiscutables de Henri LORIDANT, directeur du site durant l’Occupation, le CEDREL a pu éclaircir ces zones d’ombres où les phantasmes des amoureux de la marque cachaient des réalités plus prosaïques.

Cette conférence a été délivrée lors des journées d’aout 2024 à la Ferté Vidame pour célébrer le 80ème anniversaire de la Libération.

Le Centre d’Essais Citroën à la Ferté Vidame

Plans des différentes pistes d’essais

Le centre qui s’étend sur 812 hectares est bordé par 12 km de hauts murs de 2,70 mètres. C’est idéal pour y abriter des recherches secrètes.

Le 18 novembre 1938, cette propriété appartenant à la famille Vieljeux est acheté par Michelin, société propriétaire de la marque Citroën. L’ancienne propriété du marquis de Laborde est ainsi scindée en deux parties, le petit château (les communs) et le parc revenant finalement au Conseil Départemental d’Eure et Loir.

Une première piste d’essais est créée avant-guerre ‘ l’Octogone’ ainsi que le circuit ville entre les installations agricoles de la ferme de La Richardière, exploitée par la famille Faguin, et qui domine par son activité l’utilisation du site.

Cette ferme de 150 hectares fait partie de la demi-douzaine de fermes construites par le Marquis de Laborde sous les principes des physiocrates, lesquels tentent de rationnaliser le travail agricole y compris dans la disposition des bâtiments.

En 1938, le responsable des essais, Mr Henri Loridant gère donc cette piste dans la cour de la ferme. S’y ajoutera le « triangle colonial », « l’autodrome », et « l’octogone » en 1939.

La toponymie des lieux choisis fait référence aux activités agricoles : le Pré aux Poulains, le Pré aux cochons, etc…

Les essais de véhicules commencent avant la déclaration de guerre avec deux véhicules emblématiques : le TUB et la T.P.V. C’est la mission des « Essayeurs ».

Mr Terrasson, essayeur (à droite) devant les TPV

Le TUB

La TPV, l’origine de la 2CV

En 1936, bien avant la création du site fertois, Pierre-Jules Boulanger, directeur technique de Citroën se lance un défi qu’il fait partager à ses équipes : « construire un véhicule rural, pouvant transporter deux cultivateurs en sabots et 50 kgs de pommes de terre à 60km/h et ne consommant que 3 litres au 100km. »

Ce sera un véhicule léger pour passer les chemins boueux, facile à conduire et confortable. Un panier d’œufs à l’arrière de la voiture devra rester intact durant le trajet et le prix devra être inférieur à celui de la traction.

4 roues sous un parapluie

Ce sera cette définition qui est destinée à la future 2 CV, baptisée à ce stade de « Très Petite Voiture » ou TPV. Le secret de fabrication devra être assuré et le site de la Ferté Vidame se prêtera bien à cette mission. Car la concurrence est rude avant-guerre dans le monde automobile français dominé par Renaut et Citroën.

La déclaration de guerre de la France à l’Allemagne nazie en 1939 vient modifier la situation politique, mais le projet de TPV débute tout de même avec la mise en fabrication d’une présérie de 250 véhicules à l’usine Citroën de Levallois. L’homologation est obtenue le 28 août 1939 tandis que la guerre est déclarée le 3 septembre 1939.

Ces 250 prototypes seront détruits dans la nouvelle configuration de l’industrie française désormais tournée exclusivement vers les matériels militaires.

En 1968, on retrouvera à la Ferté Vidame, dans un atelier, 1 exemplaire de TPV entièrement démonté et rangé en caisse, puis 30 ans plus tard, en 1998 dans un grenier de la ferme de la Richardière, trois autres véhicules en différents états, mais sans aucune explication sur leur stockage dans ce grenier.

Un de ces trois véhicules a été utilisé dans le site à la sortie de la guerre, et sur lequel on avait installé une barre de remorquage où Mr Faguin attelait une petite remorque pour ramasser de l’herbe pour les lapins.

Les TPV dans le grenier de la Richardière (photo 1998).

L’exemplaire de pré série sera remonté début 1969 sur le site de la Ferté Vidame par Mr Loridant et son équipe de mécaniciens pour l’anniversaire des 30 ans de la TPV

Restaurée elle rejoint ensuite les véhicules de la marque au musée Citroën. 

A la fin des années 1990, le site du centre d’essais lève une partie de ses secrets entretenus autour de la TPV avec la re-découverte de ces exemplaires dans le grenier. Ils sont extraits délicatement puis dirigés « en l’état » vers le musée Citroën.

Commence alors la légende : ces véhicules révolutionnaires ont été cachés dans le grenier pour les soustraire à l’appétit des occupants allemands, toujours friands de récupérer en France occupée les innovations industrielles…

Les Allemands à la Ferté Vidame

Durant l’occupation, l’armée allemande utilise le site d’essais Citroën pour y faire séjourner des troupes de façon temporaire. Une compagnie SS de 300 soldats y est cantonnée plusieurs semaines en 1944 avec l’objectif de détruire le maquis de la Ferté Vidame. Elle attaquera au canon le siège du maquis caché dans une ancienne tuilerie à la Chapelle Fortin.

Lors de la débâcle allemande d’août 1944, c’est une centaine de camions qui y seront stockés pour faciliter le transport des troupes, nombreuses lors du repli.

La présence allemande s’inscrit de façon opportuniste : il s’agit de s’accaparer un lieu pouvant abriter matériels militaires et troupes de façon à appliquer la stratégie du haut commandement allemand dans la bataille de Normandie.

Le centre d’essais Citroën, porteur de secrets industriels, n’est pas recherché pour cela par les experts allemands de l’automobile et la présence de quelques épaves de TPV encore sur place est probablement un secret de polichinelle. Seules, leurs roues seront réquisitionnées par l’occupant, laissant les voitures sur cales.

En fait, l’activité du lieu est essentiellement axée sur la production agricole de la ferme de la Richardière qui doit atteindre des objectifs fixés par Pierre Le Baube, Préfet d’Eure et Loir qui, soumis aux pressions allemandes régulières, doit obtenir un relèvement spectaculaire de la production. En 1943, celle-ci n’atteint pas celle des années 38-39 du fait de l’effondrement lié à l’exode, puis au rationnement, et enfin au STO qui prive les fermes des bras de la jeunesse agricole.

Sur place, la présence de nombreux animaux conduit à des dégradations importantes des premières pistes et ce, au détriment de l’activité industrielle du Centre d’Essais.

La TPV est un projet connu des spécialistes allemands de la société Porsche qui, avant-guerre, ont été présents à Levallois où le modèle « secret » est en pré- fabrication. L’idée selon laquelle une Volkswagen vaut bien 2 TPV montre à la fois la faiblesse du modèle français de la voiture populaire et une ironie non dissimulée de la part des industriels allemands. C’est le sens de cette proposition allemande qui sera refusée par le Président de Citroën.

Lors du passage de troupes américaines de la Libération à la Ferté Vidame, le directeur Mr Loridant témoignera, le 29 aout 1944, que les TPV, montées sur des chandelles, donc bien visibles, ont suscité l’admiration des militaires.

Placés dans un grenier à une époque où cela était encore possible (depuis des travaux dans l’immeuble ont condamné l’accès d’origine) ne résulterait que de la décision de stocker là, des véhicules desquels on pourrait soustraire des pièces. Le stockage en étage de certaines TPV, daterait de 1946 ou 1948, soit bien après    la Libération.

L’oubli a fait le reste et permis cette re-découverte et sa légende romantique d’un acte de résistance passive de la part d’un industriel de l’automobile.

Hiver 1997-98, les TPV sont extraites de leur long sommeil.

Les notes hebdomadaires de Henri Loridant sous l’Occupation

Le directeur du Centre d’Essais est bien placé pour témoigner de la présence allemande dans le site secret. Chaque fois qu’il le peut, il transmet ses notes, chaque semaine, à la direction de Citroën au laboratoire de Javel.

 Les messages sont acheminés par des chauffeurs de la Laiterie Parisienne de Lamblore qui se rendent très souvent en région parisienne pour leurs livraisons de lait à la capitale.

Prises sur le vif, et avec un style détournant les soupçons, ces notes reflètent bien le climat de l’époque et les évènements qui s’y déroulent.

A la Ferté tout le monde creuse des tranchées…

23 juin 1944 : « Les locataires ont changé » « Les fils (de courant) viennent d’être coupés à 300 mètres de la Richardière… Il y a de fréquents bombardements, La Loupe a été sérieusement touchée, beaucoup de victimes » A la Ferté, rien de changé, le sommeil n’y est pas trop calme… tout le monde creuse des tranchées »

C’était une journée chargée

30 juin : « Dimanche dernier, un quadrimoteur américain s’est abattu sur la route de Senonches, personne à bord. Les curieux n’ont pas tardé…2 chasseurs (aériens) les ont repérés par deux fois et ils se sont dérouillés les jambes pour échapper aux bombes et aux mitraillages. 4 Bombes dont une fusante sont tombées à l’intérieur de la propriété… L’après-midi bombardement sur la forêt de Senonches et mitraillages aux alentours. C’était une journée chargée.

Quelques personnes se jugeant peu en sécurité ont déménagé dont quelques notables… »

Une bombe et deux morts

8 juillet : « dans la nuit de lundi à mardi, vers 4 heures du matin, une bombe…trois maisons détruites, plusieurs blessés, deux morts. La nuit suivante…le pays ceinturé par des fusées éclairantes, les Fertois dans leurs trous n’étaient pas trop fiers…Depuis tous les autres jours, bombardements fréquents des alentours, un avion a été abattu non loin de La Puisaye, le pilote a sauté en parachute. Les citadins changent de gite la nuit vers les hameaux ou les bois, choix par toujours heureux. La circulation en vélo est interdite ici. Une sanction ?

Par des gens du pays requis, les Ponts et Chaussées font creuser des tranchées tous les 25 mètres.

On a revu nos « visiteurs »

« Ils avaient dit qu’ils reviendraient ; réquisition des voitures dans le pays mais elles n’étaient pas trop complètes…des roues de TPV sont prises dans les ateliers pour équiper les voitures réquisitionnées. Après 2 jours et 2 nuits ils sont partis, empruntant simplement de l’outillage et les roues nues, j’ai récupéré pneus et chambres…Ils m’ont remis une espèce de bon. »

Les bombardements s’intensifient

15 juillet : « Nouveau bombardement du pays, c’est la gare et le silo qui étaient visés par 8 à 10 bombes, pas de victimes, une chance car il y avait une dizaine de voitures à chevaux en train de charger du blé…Des chevaux ont été tués et des bestiaux environnants. Des maisons sont sérieusement endommagées. 

Des réquisitions musclées

23 juillet : « 6 nouvelles bombes sont tombées dans la propriété, 10 mètres de murs à terre, le reste sur Senonches qui en a l’habitude. Les bucherons ne veulent plus rien savoir pour travailler en forêt. » 

« Les choses se gâtent, on réquisitionne dans tout le pays, beaucoup d’absents parmi les requis. Hier matin au saut du lit, les autorités compétentes en grand Tra la là sont venues bloquer le patelin, fouiller les maisons de la cave au grenier et emballer tout le monde en camion même ceux qui étaient de passage. Et en avant pour les chantiers, le Maire en tête. Le fermier (Mr Faguin) allant en ville, a vite fait marche arrière…Il a été requis deux jours pour faire des tranchées. Les ouvriers du centre seront tous requis à tour de rôle en fonction de l’âge.

Des listes plus fournies ont été constituées et les requis doivent être au RDV demain matin sous peine de sanctions graves sur eux ou à défaut leur famille. Des prises d’otages sont envisagées. Quelques messieurs prudents ont fait leur valise… »

L’activité industrielle du Centre d’Essais se résume à la révision et l’amélioration des machines agricoles : moissonneuse, arracheuse de pomme de terre.

Le garde champêtre est tué

6 août : « Soirée agitée avec bombardements à Verneuil et la Ferté. Des chapelets de bombes sur les croisements de petites routes près du cimetière. De grands trous où l’on pourrait y mettre une maison d’un étage. Les tranchées, jusqu’ici peu fréquentées ont connu l’affluence. Le reste des bombes a été lâché vers La Puisaye. Le garde champêtre est la seule victime de la Ferté par un éclat dans le crâne.

Les routes sont absolument désertes. Un nouvel avion a été descendu près de Lamblore, le 2ème au même endroit en peu de temps. »

Henri Loridant annonce qu’ils commenceront la moisson la semaine prochaine ayant fini les fourrages, malgré les craintes des ouvriers qui passent leur temps à surveiller le ciel d’où vient le danger et plus tard la liberté. Le directeur met la main à la pâte et participe aux travaux durant l’indisposition provisoire du fermier.

Après le départ des Allemands on apprend des détails

29 août : « nous avons eu des « Frisés » dans la propriété et aux abords immédiats. De l’artillerie près du Bel Air et des camions de ravitaillement dans le petit bois au bout de la piste. Ils étaient restés du 9 au 12 aout, intéressés par les victuailles. Du 12 au 14, seuls les SS restèrent en ville où leurs convois défilaient vers l’arrière. Aucune circulation civile autorisée à part les femmes, et une à une.

Cela chauffait dans les alentours, fouilles des fermes pour trouver les maquisards, mitraillages dans les bois, plusieurs fermes incendiées dans les environs par les SS et quelques jeunes gens capturés et fusillés ».

Texte du CEDREL avec l’apport de 2 agents Citroën. Juillet 2024, DR.

Cette conférence s’inscrit dans un programme de la ville de Cherisy pour commémorer cet exploit de la Résistance.

Le 18 juillet 1944 à 3h30 du matin, le viaduc subit une énorme explosion qui détruit plus de 50 mêtres de l’ouvrage, qui ne sera pas réparé par les Allemands, les privant ainsi d’une voie vitale pour les ravitailler en armement et troupes lors de la Bataille de Normandie.

Dwight Eisenhower, général en chef des troupes US du débarquement du 6 juin, adressera un vibrant message de félicitations à l’équipe de saboteurs français organisée dans les groupes de résistants locaux.

Viaduc de Cherisy, 18 juillet 1944, l’objectif des FFI

Une voie de chemin de fer vitale pour les Allemands

Bien avant que ne débute le débarquement du 6 juin 1944, cette voie est très utilisée par les troupes d’occupation pour acheminer dès 1943 troupes et matériels de guerre à destination du Mur de l’Atlantique.

Bénéficiant de plusieurs connexions ferroviaires importantes (Paris, Trappes, Dreux, Rouen, etc) cette ligne est précieusement protégée. Elle est aussi utilisée par les grosses entreprises françaises du BTP qui ont signé de juteux contrats avec l’entreprise TODT spécialisée dans la construction du Mur. Matériaux de toutes sortes et main d’œuvre réquisitionnée se chargent constamment dans les wagons.

Et une belle cible pour les résistants

La Résistance a bien perçu l’intérêt stratégique de la ligne et ne tarde pas avec les membres du Front National communiste, puis les FTP à porter de sévères coups aux différents transports : le « détachement Marceau » (Paul Legrand, Lucien Hilliou) attaque dès février 1942 le central téléphonique de Ste Gemme et en mars ce sont des locomotives et du matériel roulant qui sont sabotés par les cheminots FTPF.

En 1943, après une vague d’arrestations parmi les résistants, ceux-ci se reconstituent et sabotent constamment les voies du Paris Granville (Raville en juin, Marchezais en juillet, Cherisy en septembre, Vert en Drouais en octobre).

Les trains qui viennent de Paris sont utilisés aussi par les cheminots pour transporter du matériel de propagande antinazie qui est diffusé en Eure et Loir par Fian et Laroche au travers d’un réseau efficace. Les tracts parviennent jusque dans les fermes du nord du département.

D’autres groupes de résistance, la plupart non-combattants, agissent dans la région drouaise sans se concerter par mesure de sécurité. On y retrouve des cellules de renseignements comme celle de Léon Chesne du réseau ATHOS qui rejoindra le réseau Buckmaster, un réseau de récupération d’aviateurs tombés avec Madame Orial de Muzy et un certain nombre de personnes agissant à des titres divers de façon collective ou individuelle.

Le commandement local de la résistance

Incontestablement, l’avoué Pierre July apparait comme le chef local des résistants. Il n’est pas clandestin et son domicile comme sa profession sont connus de tous Allemands comme Français. July a débuté son engagement en fin 1943 quand il se rapproche de Quemin à Nogent le Roi, lequel lui fournit des mitraillettes françaises.

Ses contacts incluent à la fois des groupes de combattants tels ceux de Francis Dablin qui lui est adressé par Marc O Neill, chef régional des FFI en forêt d’Orléans ou Joseph Bergeron, des agents de renseignement ( Martinet, Binois), des agents de liaison (Guy Moreau) et des maquis comme ceux de Crucey ou Anet. Plusieurs femmes (Mmes Chackroun, Gaudy, Lacour) assurent la diffusion clandestine des tracts patriotiques. A leur actif, la pose d’une affichette sur le blockhaus allemand posé devant la Kommandantur pour protéger ce bâtiment du 24 rue St Martin qui fût l’Hôtel de France.

July est affilié à l’Organisation Civile et Militaire (OCM) comme Fred Guézé et d’autres. Cette organisation clandestine recrute parmi les cadres, les intellectuels et les professions libérales ; ce ne sont pas des combattants. Par contre quelques-uns participent aux réceptions de parachutages d’armes dont ils connaissent les terrains et le mode de fonctionnement.

D’autres groupes combattants membres de Libération-Nord sont aussi actifs dans la région (les maquis de Crucey, de Saulnières et de la Ferté Vidame).

La concentration des contacts autour de Pierre July lui facilite le travail clandestin mais constitue aussi un risque si ces contacts venaient à être infiltrés ce qui sera le cas en juillet 1944.

J.Martinet 
Fred Guézé 
Pierre July
Dablin, père et fils

Les Alliés veulent détruire le viaduc de Cherisy

Conscients de cette voie stratégique pour le ravitaillement allemand, les Anglais lancent inlassablement des opérations de bombardement du viaduc : 14 tentatives auront lieu et ce sera autant d’échecs. Cet ouvrage qui comporte une série d’arches de pierre surplombant l’Eure est très protégé par la FLAK (DCA allemande) et la chasse aérienne de Göring basée à St André de l’Eure.

Nombre d’avions bombardiers alliés sont touchés ce qui conduit à des pertes en pilotes et aviateurs que tentent de récupérer les maquis afin de les diriger vers l’Angleterre, ce qui prend des mois.

Le viaduc tient toujours et les matériels de guerre, chars, canons, essence et soldats continuent d’alimenter le front de Normandie notamment après le débarquement du 6 juin 44.

Dans le cadre d’un ordre général lancé par Londres à tous les mouvements de résistance en France, il s’agit d’attaquer les troupes allemandes qui renforcent le front normand. Cela inclue la destruction des voies de communications routières et ferroviaires comme la ligne de trains Paris Granville.

C’est par cette voie que transite des matériels spéciaux destinés à la base de Carpiquet (Calvados) qui abrite des rampes de lancement de V1.

Le plan de destruction du viaduc par la résistance

Roland Farjon

C’est un objectif majeur qui nécessite de résoudre en premier des questions techniques : il faut trouver un artificier, des pains de plastic, neutraliser les gardes-voies, s’approcher au plus près des piles du viaduc, etc…et tout cela sans être surpris par les soldats allemands de garde.

C’est Montet qui milite aux maquis de Crucey et de Saulnières qui se chargera de la préparation des explosifs. Des reconnaissances discrètes sur le viaduc lui permette d’évaluer la quantité de plastic nécessaire soit 80 kgs. Entre temps, Roland Farjon (OCM) évadé des prisons allemandes, a pris la direction des groupes de résistants du nord de l’Eure et Loir, désigné par Marc O Neill délégué régional et Maurice Clavel délégué départemental des FFI. C’est donc Farjon, et non July qui va diriger cette action de la résistance.

Il faut une quantité énorme de plastic, dont ne dispose pas le groupe de Dreux malgré le stock accumulé à Vitray sous Brezolles dans une résidence de Pierre July.

Il est nécessaire de se procurer un stock auprès d’Emile Maquaire du maquis de Plainville qui stocke ses explosifs à la Hurie dans le garage de son père. Une expédition est mise sur pied pour cela avec tous les risques de contrôle allemand sur les routes de jour car la circulation est interdite de nuit. Raymond Dive et Fernand Thierrée de Crucey se rendent donc à La Hurie chez Maquaire avec la vieille traction de Thierrée pour charger armes et explosifs réservés pour l’opération. Gabriel Herbelin (Duroc) les attend sur place et remet grenades, plastic et tabac. Dans la malle arrière de la 11CV Citroën tout est rangé et ils reprennent la route sans accroc car la feldgendarmerie est absente ce jour-là. Après réparation d’une crevaison et sous couvert des bois, car les avions américains sillonnent le ciel à la recherche de tout objectif, ils regagnent le bois de Paradis, base du maquis de Crucey.

Le stock s’accroit ainsi à Vitray sous Brezolles le 3 juillet quand François Grousseaud (Popeye) vient en chercher une partie pour le transporter à vélo jusqu’à Dreux.

Sur la route, il est arrêté par un contrôle de feldgendarmes alors qu’il a mis dans ses sacoches de vélo plusieurs kg de plastic. Faisant mine d’être un simplet, il fait sauter la chaine du vélo et va au-devant des soldats pour leur demander de l’aide qu’il obtient et passe ainsi le contrôle sans dommages.

Veillée d’armes

Depuis des semaines, l’aviation alliée bombarde ce viaduc pour couper les lignes d’approvisionnement allemandes. Après chaque passage des avions, l’Organisation Todt déploie des dizaines de français sélectionnés par les Maires et réquisitionnés pour réparer les dégâts qui, toutefois, restent toujours mineurs.

D’ailleurs, l’avant-veille de l’attaque par le maquis, ces manœuvres sont à l’ouvrage une nouvelle fois. Et le lendemain 17 juillet 1944, une nouvelle attaque aérienne des P47 Thunderboldt vient larguer des quantités de bombes sur l’ouvrage. Sans résultat probant.

Une fois le matériel explosif au complet, il s’agit de faire des repérages sur l’objectif et de constituer l’équipe de sabotage.

Le 16 juillet à 11 heures Farjon et Montet sont chez Bergeron à Dreux et vont reconnaitre à vélo l’objectif. En fin de journée, la 14 ème attaque aérienne survient et, profitant de la panique, les résistants déposent les explosifs qui sont cachés dans les touffes d’orties au pied du viaduc.

Le viaduc avant l’attaque

L’équipe est constituée de July, Farjon, Montet, Bergeron, Dablin père et fils, Agoutin, les frères Quinsac, Marange et Ranson ainsi que le Hollandais, agent instructeur parachuté.

Explosifs et mitraillettes sont donc sur place. Il faut maintenant constituer le groupe d’attaque et fixer l’heure. Ce sera le 18 juillet à 23 heures.

Une formidable explosion

Il n’est pas nécessaire que tous soient présents lors de l’action de sabotage. Et il faut limiter les risques en cas d’accrochage avec les soldats qui gardent de l’ouvrage. L’opération doit se dérouler dans la discrétion et il faudra aussi neutraliser les gardes-voies français réquisitionnés de nuit le long du viaduc.

Deux groupes sont prévus : Farjon, Bergeron et Montet avec repli sur Dreux ensuite, et les Dablin avec le Hollandais en repli sur Brissard.

A 23 heures, l’équipe est à nouveau rassemblée. Les infatigables Dablin et le Hollandais ont déjà préparé les armes. Chacun reçoit les consignes qui le concernent et, dans la nuit noire, les six hommes se dirigent vers l’objectif, emportant le matériel. Avant de se mettre au travail une reconnaissance est effectuée sur le viaduc par Farjon et Dablin père, qui grimpent le long du remblai et parcourent le tablier d’un bout à l’autre. Rien à signaler, ni Allemands, ni gardes-voies. On peut donc opérer. A l’aide de sa masse, Bergeron défonce successivement l’entrée des trois chambres de mine situées au pied des piles.

Les coups résonnent dans la nuit avec un bruit assourdissant. Un sac d’explosif est placé dans chacune des chambres et un supplémentaire dans celle du milieu ; un cordon porte-feu relie tout le dispositif. Un solide bourrage est ensuite appliqué.

 Minuit vient de sonner dans le lointain lorsque le feu est mis et les crayons d’allumage écrasés. Avant cinq heures le viaduc, en principe aura sauté.

Chacun regagne sa bicyclette mais la nuit est assombrie et c’est à qui culbutera dans les trous de bombes remplis d’eau. Qu’importe, maintenant puisque l’affaire est faite.

On se sépare, car il ne fait pas bon traîner sur les routes à cette heure et à un tel moment.

Naturellement, personne ne dort, car dans les vêtements trempés, le froid se fait sentir et l’énervement est grand : l’opération réussira-t-elle ? N’a-t-on rien oublié ?

Trois heures quinze… Une immense lueur emplit le ciel d’une énorme explosion… Un silence, puis le bruit d’une masse de matériaux qui retombent. A Brissard, en forêt, ou à Dreux tous ceux qui sont au courant ont une minute d’intense émotion.

Des cheminots ne tardent pas à apporter des précisions : le viaduc a sauté, plus de cinquante mètres du tablier sont détruits, la voie est définitivement coupée. Les Allemands ne pourront plus convoyer leurs engins meurtriers vers la Normandie par cette ligne de train.

Mais quelle va être la réaction de l’ennemi ? N’y aura-t-il pas de cruelles représailles sur Dreux, sur Chérisy qui a tant souffert, il y a soixante-quinze ans en pareille circonstance par l’incendie de tout le village ? … Une heureuse idée se fait jour : c’est une bombe à retardement de l’attaque de la veille qui a fait tout le travail Les Allemands s’empressent d’adopter la version sans doute pour ne pas donner trop de prestige au groupe drouais.

Les Anglais, eux, ne s’y trompent pas. Le soir même Sinclair transmet un télégramme du Général Eisenhower : « Adresse félicitations du grand état-major interallié à l’équipe qui a procédé à la destruction du viaduc de Chérisy ».

Pendant plusieurs semaines la voie ne laissera plus passer aucun train. Les alliés entreront à Dreux dès le 16 août après un combat de peu d’importance.

Epilogue

Le viaduc sera réhabilité de façon provisoire par les Américains afin de rétablir cette voie d’acheminement du matériel, cette fois allié, pour les combattants qui progressent dans la libération de la France occupée.

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Le viaduc détruit par la Résistance le 18 juillet 1944…
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…et remis en état par les Américains (Photos famille P. July.)

La riposte allemande après Cherisy

La chronologie des arrestations et des attaques allemandes pose une question cruciale : Comment les allemands en sont-ils venus à procéder une série d’arrestations et à détruire plusieurs groupes de résistance après Chérisy ?

En effet on constate une accélération de la répression allemande dans les jours qui suivent :

La plupart des chefs de la Résistance du Nord de l’Eure et Loir sont recherchés par la police allemande et doivent se cacher tel Jules Vauchey en fuite ou même Sinclair et Silvia Montfort qui passent dans l’Orne se réfugier chez Jérome Lévèque dirigeant local de la résistance.

Pour comprendre la rapidité de cette répression, il faut remonter au parachutage du 20 juillet 44 soit deux jours après Cherisy :

Cette nuit-là dans la plaine de La Pommeraie, il y a une centaine de maquisards présents et la quasi-totalité des chefs de la résistance du département. Jules Divers du groupe de Clévilliers est l’un d’eux et il repère deux jeunes hommes inconnus qui s’intéressent de près au système de communication utilisé par Sinclair.

Le 24 juillet à Châteauneuf en Thymerais, les SS arrêtent Vivier, Lecointe, le couple Fascio et Momot. Certains d’entre eux sont liés à la résistance, d’autres non. Fascio qui porte des verres épais comme Sinclair est molesté vivement.  On leur demande s’ils connaissent un nommé Jourdan et on fait endosser à Madame Fascio un manteau abandonné par Silvia Montfort sur le terrain de parachutage. Or Jourdan est le nom de guerre de Confais présent lui aussi. Quant à Vivier, c’est un nom proche du pseudonyme de René Dufour, dirigeant de la résistance qui était présent et se faisait interpeller sur le terrain par le nom de « Duvivier ».

Faute de preuves, tout le monde est relâché mais Vivier reste détenu et est transféré à Chartres où il sera torturé avant d’être déporté. Vivier réussira à s’échapper du convoi qui le transporte en camp.

Il y a donc un lien entre ce parachutage, la présence de deux inconnus et les arrestations qui suivent. C’est probablement le signe d’une infiltration par les services spéciaux des SS.

Quant à l’arrestation de Pierre July qui est la première de la série, on découvrira après la libération qu’une souricière a été organisée chez Bergeron où l’on attend une réunion.

Les informations qui suivent sont issues de mes recherches dans les dossiers des condamnations de collaborateurs après la Libération.

Henri Mertens est interprète à la Kommandantur de DREUX et il est sollicité à de nombreuses reprises par les juges de la libération pour témoigner dans les dossiers. On l’extrait des camps que ce soit à Morancez ou à Pithiviers où il attend son propre jugement.

Le 24 aout 1945, il est interrogé par le juge François dans une affaire qui concerne Pierre Ligier, un jeune homme de Chartres qui avait des contacts fréquents avec la Gestapo.

Lorenz KREUZER

Pierre Ligier est né en Allemagne en 1926 d’un père français et d’une mère allemande. Celle-ci est infirmière au lycée Marceau de Chartres où son fils est scolarisé durant l’occupation. Elle devient la maitresse de Lorenz Kreuzer, chef de la Gestapo et se comporte en fanatique nazie.

Pierre Ligier fréquente les officiers et participe aux arrestations de résistants et même aux séances brutales.

Henri Mertens est très connu dans la région drouaise, plusieurs habitants se souviennent de lui au volant de sa rutilante voiture lorsqu’il assiste en tant qu’interprète les officiers allemands qui procèdent aux arrestations. On apprendra après-guerre qu’il renseigne aussi la résistance en communiquant des informations notamment à Gilbert Courtois du groupe de Dreux. Plusieurs dossiers de condamnations de collaborateurs évoquent des témoignages signés de résistants attestant cette attitude de Mertens.

Mertens est présent le 24 juillet 1944 lorsque la Gestapo monte une souricière autour de la maison de Bergeron qui a été dénoncé après l’affaire du viaduc de Cherizy. Pierre Ligier est également présent. Lorsqu’un petit groupe de 7 personnes se présentent au rendez-vous fixé par la résistance, Mertens tente de les prévenir du danger sans succès et ils sont arrêtés. Ligier a vu les signes faits par Mertens et le dénonce aux allemands comme traitre ; il sera arrêté, interrogé puis relâché.

Quant à l’arrestation de Pierre July le 24 juillet à 18 heures sur les marches du palais de justice de Dreux, elle se déroule en présence de Ligier et de Félix Rhoem l’adjoint de Lorenz Kreuzer. July est emmené à l’Hôtel de France, siège de la Kommandantur pour interrogatoire.

En 1945 il déclarera au juge François que Ligier fût également présent lors des perquisitions chez Dablin et chez Bergeron qui avaient réussi à échapper à l’arrestation avec Cailleaux mais, par contre, André Lortie a été arrêté.

Ligier fera partie du transport qui conduit July sous bonne garde à Crucey où Yvonne Léroic compagne du chef local de la résistance est arrêtée également. Ligier est toujours là lorsque Pierre July indique aux allemands l’endroit où sont cachées les armes reçues par le dernier parachutage à la Pommeraie.

La série d’arrestations coïncide bien avec deux faits d’armes de la résistance : la destruction du viaduc de Cherisy le 18 et le parachutage du 20 juillet 44.

La rapidité des arrestations après ces faits semble indiquer que la Gestapo était bien renseignée sur l’activité de la résistance drouaise, ce que Pierre July confirmera lorsqu’il apprendra des allemands qu’ils connaissent parfaitement les noms de tous les chefs de la résistance locale.

16 août 1944 Dreux est libéré

La 7-ème division blindée américaine débarque à peine sur Utah Beach lorsque que le planning est arrêté et que la libération de Dreux est envisagée. Et c’est cette division, intégrée au commandement du Général Walton H. Walker au sein du 20-ème Corps d’Armée, qui sera chargée de libérer l’Eure et Loir avec l’appui de la 5-ème division d’infanterie qui se trouve entre Nantes et Angers sur la rive droite de la Loire.

Le 12 aout 1944, trois corps d’Armée américaine sont prêts à envahir le département d’Eure et Loir avec comme objectifs Châteaudun, Chartres et Dreux.

Les 70 Panzer allemands se voient assigner la défense de Dreux et de la région nord-est en débordant sur la Seine et Oise (Dourdan, Ablis). Fidèles à leur stratégie de repli laissant sur place des Kampfgruppe (Seidel, Gunther Wöst) appuyés par des SS Panzerjäger, les forces allemandes continuent de ralentir les Américains à Faverolles, au Boullay Thierry, à Puiseux puis vers Houdan.

A Dreux, dont la défense est assurée par le Major Hugo Messerschmitt, un bataillon médiocre en effectifs oblige le haut Commandement allemand à constituer une ligne de défense au sud de la ville avec les 700 hommes du Sturm bataillon AOK7, 500 hommes de la 352ème ID, les Kampfgruppe SS Weber, Braun et Wahl plus l’artillerie des canons de 88 et 75, éléments de la Flak (DCA allemande).

Au sud de Dreux, on recense une quarantaine d’Allemands morts au combat, les batailles d’arrière-garde ne menaçant pas la progression américaine vers la ville.

La prise de Dreux est désormais confiée au XV ème corps américain.

A l’ouest de la ville, des canons de 88 pilonnent un peloton de chars légers M5 américains au passage à niveau des Corvées. Les chars US de la Task force Boyer se replient en arrière du hameau.

                           

Canon de 88 allemand

En soutien, le major Giorlando reçoit l’ordre de prendre Dreux avec des compagnies du 15ème bataillon d’infanterie, des tanks et un peloton d’assaut.  Il fait 150 prisonniers chez l’ennemi et occupe les ponts à 18 heures. Son rapport signale que les FFI furent très efficaces en travaillant de concert avec la police française et son unité.

Les résistants sont environ 200 répartis aux abords de la ville vers Les Corvées et autant à l’intérieur de Dreux où ils se sont infiltrés. Tout le monde doit se retrouver à la Kommandantur logée dans l’Hôtel de France. Ce lieu deviendra le PC des FFI dirigés par Roland Farjon qui les commande.

Dans la soirée du 19 au 20 aout, le successeur de Farjon désigné par lui pour prendre la direction des groupes est assassiné devant l’Hôtel de France.

Il s’agit de Georges Binois, proche de l’OCM et de Jules Martinet, qui habite Marsauceux et n’est pas considéré comme un combattant mais possède une solide carrière militaire acquise en 1940 où il fût blessé dans les combats. Sa mort ne sera jamais éclaircie et restera un mystère inexpliqué.

Ces quelques jours passés par des maquisards et des résistants logés à Dreux à la Libération vont faire ressortir des conflits entre différentes personnes de qualité dont Pierre July, Maurice Viollette, André Sarrut et Albert Lethuillier.

Rédigé par Albert HUDE le 4 juillet 2024. Tous droits réservés.

Sur la présentation des nombreuses activités et manifestations programmées par le CEDREL, le Préfet de l’Eure et Loir a délivré le label 80 ème anniversaire au plan départemental.

Ce label sera présent tout au long de l’année dans les descriptifs de ces manifestations qui ont débuté dès le mois de février.

Vous trouverez le détail de ces rendez-vous sous le titre : “2024 Année de commémorations”. Cet articlel sera enrichi au fur et à mesure de la concrétisaton des projets en cours d’étude.

Photo Eric SANTIN

Dans la nuit du 19 au 20 aout 1944, Georges BINOIS est assassiné devant l’Hotel de France, ex-kommandantur allemande, devenu le PC des FFI ayant participé à la Libération de la ville. Il venait d’ètre nommé Commandant militaire de la place de Dreux, donc chef des FFI et interlocuteur des troupes US présentes depuis 2 jours.

Il n’y a plus d’Allemands en ville qui est très calme et sous couvre-feu. Alors qui et pourquoi cet homme est sauvagement tué d’un coup de baionnette porté au visage ?

Une conférence organisée par l’UTCL avec le concours du CEDREL abordera ce sujet le jeudi 14 mars à 14h30 au lycée Rotrou.

En outre, un ouvrage traitant de cette affaire sombre et mystérieuse a été publié début juillet 2024. Disponible par le canal Contact et dans les librairies d’Eure et Loir : La Rose des vents à Dreux, l’Esperluète à Chartres. ( 20 euros).

Conférence d’Etienne EGRET secrétaire mémoire du camp. A noter que ce camp se visite.

De 1942 à 1944 des centaines de détenus ont été parqués à Voves dans un camp géré d’abord par les Allemands puis par les gendarmes et policiers français de Vichy sur l’instigation de Pierre LEBAUBE, préfet pétainiste d’Eure et Loir.

Ces détenus ne sont pas tous des “politiques” raflés par les gendarmes français. Ils cotoient des délinquants, condamnés pour des larcins plus ou moins graves. Des commandos de travail sont organisés par l’Administration pénitentiaire et vont permettre aux résistants détenus d’investir ces unités dans le but de préparer à terme des évasions plus ou moins spectaculaires.

L’évasion dans la nuit du 5 au 6 mai 1944 concernera 42 résistants choisis par la “direction politique du camp” et organisés par le parti communiste. Ils s’évadent par un tunnel de 148 mètres de long, patiemment creusé à la barbe des gardiens afin de permettre aux évadés de rejoindre la résistance à l’extérieur. Pris en charge par un réseau d’accueil dès leur sortie, ils sont ensuite répartis un peu partout en France pour reprendre le combat anti-nazi.

Les Allemands, furieux de cet échec commis par l’administration française vont liquider le camp en déportant la totalité des détenus vers Neuengamme d’où très peu n’en reviendront.

CONFERENCE ouverte à tous le 10 février 2024 à 15h30 à La Ferté Vidame salle socio-culturelle (derrière la mairie, parking).

Un verre de l’amitié conclura cette manifestation.

Jean Pasdeloup, dernier combattant de la Résistance en Eure-et-Loir reçoit la Légion d’honneur

Jean Pasdeloup, figure de la Résistance en Eure-et-Loir a reçu la Légion d’honneur ce samedi 9 décembre 2023 des mains de Jean-François Bège, il va fêter ses cent ans en mars 2024.

Jean Pasdeloup est né le 15 mars 1924 à Maillebois. 

(Article et photos par Laurent REBOURS)

La salle de réception de l’Ehpad des Eaux vives du centre hospitalier Victor-Jousselin de Dreux (Eure-et-Loir) a accueilli de nombreux amis et famille de Jean Pasdeloup ce samedi 9 décembre 2023 pour des instants aussi solennels qu’exceptionnels.

Le dernier combattant de la Résistance en Eure-et-Loir encore vivant s’est en effet vu remettre les insignes de chevalier de la Légion d’Honneur.

« Jamais d’oubli pour de tels actes »

Une cérémonie riche en émotions et qui arrive enfin comme a pu le souligner la directrice départementale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, Anne Rothenbühler : « Dieu qu’il était temps ! Je me sens tellement petite et chanceuse. Quel amour de la France et de la République avez-vous dû avoir pour un tel engagement ! Jamais d’oubli pour de tels actes, que de l’admiration ! »

A l’heure où le monde s’embrase à nouveau ici ou là, où les fractures sociétales se font sentir de plus en plus fortes et fréquemment, un parcours comme celui de Jean Pasdeloup ne peut que susciter en effet de l’admiration.

D’autant plus qu’il est à l’image de ces centaines de milliers de jeunes gens qui se sont soudainement retrouvés plongés dans les affres de la guerre avec son cortège d’horreurs. Et toujours avec une humilité chevillée au corps qui fait que Jean Pasdeloup n’a jamais cherché, après la guerre, à mettre en avant ses faits d’arme ou états de service. Ce qui explique aussi cette distinction tardive. Un taiseux, même envers ses proches qui ont bénéficié du travail du CEDREL pour glaner les détails de cet engagement.

Résistant à 18 ans dans son village de Maillebois

Pour revenir sur le parcours impressionnant de Jean Pasdeloup, c’est Albert Hude, président du CEDREL (Centre d’étude et de documentation sur la Résistance en Eure-et-Loir) qui a longuement détaillé les racines d’un engagement en profondeur dans ces réseaux locaux, ces hasards de l’existence qui provoquent de grandes choses, de l’Eure-et-Loir jusqu’au tragique Mont Valérien.

Jean Pasdeloup voit le jour le 15 mars 1924 à Maillebois. Il a tout juste 18 ans lorsque, le 11-Novembre 1942, avec son copain Jeannot Dubray, il installe des drapeaux tricolores sur le monument aux morts de sa commune. Un acte symbolique, patriotique et surtout totalement interdit par l’occupant « il sera bientôt suivi de son engagement croissant dans les groupes clandestins qui se constituent ».

Une amitié s’est tissée avec Albert Hude, président du CEDREL qui a retracé son engagement. Jean Pasdeloup a été l’un des parrains de la création du Centre en 2018. 

La ferme familiale de son père Georges, aussi maire de la commune, abrite un Résistant FTP (franc-tireur et partisan) qui s’y est réfugié. Une rencontre qui va changer l’existence de Jean Pasdeloup.

Les messages cachés dans la pompe de son vélo

C’est par ce contact qu’il rencontre Jules Vauchey, chef du maquis de Crucey-Brezolles et qu’il devient agent de liaison en direction notamment du maquis de la Ferté-Vidame. Les messages apportés par Sinclair, chef départemental de la Résistance, sont cachés dans la pompe de son vélo.

Albert Hude Président du CEDREL (Centre d’études et de documentation sur la Résistance en Eure-et-Loir)

Jean Pasdeloup devient Jean-Isidore Lemoine

Aidé d’une fausse carte d’identité au nom de Jean-Isidore Lemoine, le jeune homme se met alors à parcourir des kilomètres pour porter les messages des combattants de l’ombre.

Mais il va bien au-delà puisqu’il passe aussi à l’action militaire, « Vauchey lui demande de venir à vélo avec un panier d’œufs à Crucey et en repartir avec une mine d’explosifs de 3,5 kg à la place des œufs » rapporte Albert Hude.

Une mine qui sera enterrée à la sortie de Maillebois et qui explosera au passage d’un véhicule allemand qui sera détruit, ses occupants tués.

Jean Pasdeloup devient de plus en plus aguerri et, avec un groupe d’une vingtaine de jeunes dirigés par Lionel Armand-Delille et Gérard du Pasquier il participe aux attaques nocturnes sur la départementale 4 qui voit passer de nombreux camions allemands entre Brezolles et Dreux. Entre ses mains, comme dans celles de ses camarades, une mitraillette britannique Sten.

Les combats s’intensifient en août 1944

En ce mois d’août 1944, le débarquement allié sur les côtes normandes a eu lieu deux mois auparavant et la Libération est en marche de la fin de la Normandie vers Paris. 

Mais, pris en tenaille dans la poche normande, les troupes allemandes sont aux abois entre les pilonnages des armées libératrices et les actions de plus en plus fréquentes et audacieuses des maquis. S’il y a des désertions et redditions dans les rangs de l’occupant en débâcle, des troupes SS, venant de Normandie, se déchaînent sur les Résistants qu’ils trouvent.

Les deux Résistants faisaient partie d’un des trois groupes chargés d’attaquer une compagnie de transport de la 9e division SS Hohenstauffen. Découvert, leur groupe s’est dissous dans la nature mais Jean et son copain Pierre sont arrêtés. C’est ainsi que Jean et son copain Pierre Vermeir vont se battre au corps-à-corps avec deux soldats qui veulent les capturer à l’entrée de Saulnières.

Jean Pasdeloup parvient à se dégager, il se fait tirer dessus mais, en se jetant dans les fourrés avoisinants, se sauve.

Pierre Vermeir n’a pas cette chance. Capturé, « il va être odieusement torturé avant d’être abattu à Torçay, trois jours avant la Libération. C’est Jean Pasdeloup qui viendra identifier le corps qui a été jeté dans un fossé ».

Mais avec la Libération de l’Eure-et-Loir, les actions de Résistance de Jean Pasdeloup ne s’arrêtent pas là.

 « Des rigoles de sang encore frais sur lesquelles il faut avancer »

Il se dirige vers Paris avec des centaines de Résistants d’Eure-et-Loir aux côtés de la 2eDB du général Leclerc.

Sur place on lui confie la mission avec son groupe de capturer Jean Hérold Paquis « qui débitait sur Radio Paris les messages pétainistes. Mais dans son appartement de la rue de la Pompe, il n’y a plus personne ».

Le groupe continue alors pour attaquer et prendre le contrôle du Mont Valérien où les soldats allemands finissent par se rendre, drapeau blanc hissé en tête. C’est en pénétrant dans le tunnel qui mène à la clairière où l’on fusillait la veille encore, que Jean Pasdeloup a une vision d’horreur : il y a des rigoles de sang encore frais sur lesquelles il faut avancer pour neutraliser la place…

                                                          

A 20 ans une vie marquée à jamais

Lorsque les combats s’arrêtent enfin, Jean a 20 ans mais une vie déjà profondément marquée par cette clandestinité, par ce qu’il a côtoyé, vu, éprouvé. Il reste quelques mois dans cette armée nouvelle se créant autour du Général de Gaulle où il obtient le grade de caporal-chef avant de regagner Maillebois, la ferme familiale et de débuter une vie professionnelle.

Un jeune homme parmi tant d’autres, confrontés à la brutalité soudaine, ayant vécu des moments hors du commun devant revenir se replonger dans le quotidien ordinaire.

Ce que n’a pas manqué de relever, avec beaucoup d’émotion, Jean-François Bège, premier adjoint au maire de La Ferté-Vidame et chevalier de la Légion d’Honneur, en charge de remettre cet insigne à Jean Pasdeloup. « Vous étiez de ces jeunes combattants qui ont regardé sans faillir l’ennemi dans le blanc des yeux ».

Et évoquant les propos du général Lecointre sur le caractère universel de cette Légion d’Honneur « elle a traversé tous les régimes et, en ces temps de fracture de notre société, elle est symbole de l’unité nationale ».

Sur invitation du Club Loisirs et culture de Chartres

Après une conférence sur Jean Moulin “l’homme derrière le mythe” le public de la médiathèque du village et les représentants de la commune ont souhaité en connaitre plus sur la Résistance dans le département d’Eure et Loir.

Ce sera l’objet de cette projection qui a été suivie d’un échange avec la salle et qui se concluera par une séance de dédicaces des livres de l’auteur-réalisateur.

Conférence le 17 octobre 2023, salle des Fêtes de Senonches. Entrée gratuite et pôt de l’amitié.

Dans cette conférence, nous reviendrons sur ce phénomène, finalement mal connu, de l’utilisation des voyous et autres truands parisiens par la police allemande pour chasser les résistants.

On découvre en fait la soumission totale de la Gendarmerie à la Kreis Kommandantur de DREUX en application de la convention d’armistice signée par Pétain en juin 1940.

Dans cet espace juridique trouble, les truands installent leurs pratiques tout en rendant service aux Allemands : braquages, assassinats, vols et extorsions. L’heure venue de la Libération du territoire verra des policiers français tenter de rechercher ces sbires et découvrir des complicités douteuses au sein même de leur administration.

Cette conférence abordera ce sujet méconnu de l’Occupation à partir d’un exemple sur le territoire de l’Eure et Loir où se mèlent des civils plus ou moins engagés dans la Résistance à Maillebois, des responsables allemands de la Kreis-kommandantur de Dreux, des gendarmes français et un groupe de truands revètus de l’uniforme allemand.

Des soldats allemands qui recherchent et arrêtent leurs propres supplétifs français, des gendarmes français, soumis à la convention d’armistice qui sont contraints de laisser filer les coupables du crime d’un collègue policier parisien, tout se dérègle pendant l’Occupation.

Le parcours d’Yvon Collette, citoyen belge opérant en France pour le compte de la “Gestapo française”de la rue Lauriston à Paris et surtout pour son compte personnel, est un éclairage utile pour comprendre ces relations de pouvoir entre occupants et occupés , relations dans lesquelles le crime organisé s’est inséré avec impunité même si parfois les Allemands imposent des limites sévères à ces dérives sous forme d’arrestations et de tortures diverses

Voici le texte de la conférence :

Yvon COLLETTE

Yvon Joseph Collette est né le 28 octobre 1901 à La Louvière (Belgique)

Marié à Georgette Philippe, 2 enfants

dit « Carlo » son nom de théâtre en Belgique où il aurait été ténor

Déserteur de la NSKK belge (structure de transport allemande recrutant des belges)

Agent allemand lié à la Carlingue (gestapo française Rue Lauriston dirigée par Bonny et Lafont)

Qu’est-ce que la Carlingue ?

Situé dans le chic 16ème arrondissement au 93 rue Lauriston, cette officine groupe des délinquants, des policiers révoqués, des proxénètes et des assassins sous la direction féroce de Henri Chamberlin dit Lafont et de son adjoint, un policier révoqué nommé Pierre Bonny.

Carl Oberg chef de la SS à Paris et Helmut Knochen son adjoint. Procès de 1954.

La Carlingue est au service des dignitaires allemands de Paris comme le SS Helmut Knochen, chef de la sureté allemande que tutoie Lafont. Il tutoie également Pierre Laval chef du gouvernement de Vichy à qui il se charge de fournir tout ce qu’il veut dans la France des restrictions qui doit payer chaque jour 400 millions de francs aux nazis. Cette somme gigantesque est ensuite utilisée pour payer des fournisseurs français qui approvisionnent les Allemands par le truchement du marché noir.

Ce sont surtout les bureaux d’achat allemands, sorte de passage obligé pour faire du commerce, qui sont dans la ligne de mire des truands. Ces services disposent à la fois des commandes issues de l’administration militaire allemande et des fonds permettant de régler les achats.

Il ne leur manque que les intermédiaires français bien informés sur les lieux où se trouvent les marchandises recherchées par l’Occupant. Dans cette faille, la pègre va s’insérer et se rendre indispensable pour satisfaire les officiers allemands toujours à la recherche d’articles propres à satisfaire leurs besoins dans une France rationnée et exsangue.

Un juif franco-roumain nommé Joanovici se taillera un empire commercial en France occupée et sera le principal fournisseur des Allemands. Les hommes de la Carlingue feront appel à lui pour ces marchés tout en prélevant leur part sur ces contrats juteux.

 Lafont

Par ce service rendu, les hommes de la Carlingue acquièrent une notoriété et une reconnaissance à l’opposé de leur statut de truand.

 Pierre Bonny

Ils sont également investis dans la chasse aux maquis, disposant d’un volant de 20 à 30000 hommes pouvant aller jusqu’à 100 000, qui vont agir contre la résistance à Tulle notamment.

Le BCRA à Londres en est informé.

Yvon COLLETTE va évoluer dans ce milieu entre mauvais coups et enrichissement personnel tout en faisant bien attention à ne pas attirer les foudres des Allemands qui, tout en profitant des avantages de ce trafic, font très attention à ne pas apparaitre au premier plan dans les coups tordus.

Il constitue une équipe avec Joseph Halliez, Edmond Vanackère (Didi), et Georges Piat et passe à l’acte :

1er mars 1944 : Collette et Vanackère se prétendant agents de la Gestapo volent chez Madame Sauges 12 rue du petit-Thouars à Paris, 190 000 francs et des bijoux estimés à 2,5 millions de francs.

Quelques temps après, la police criminelle allemande rendra à Mme Sauges un bracelet en or et un collier trouvé sur Collette qui sera détenu ultérieurement.

16 mars 1944 : les mêmes avec Halliez, arrivent chez Mr Hekel-Kuntz 16 rue Cafarelli, cafetier à Paris et lui volent 200 000 francs et des bijoux. Aperçus en sortant par Madame Sauges qui, par coïncidence, était dans le quartier, des coups de feu sont échangés entre les policiers français et les voleurs. Le gardien de la paix Pichot est tué ainsi qu’une passante, Madame Schaeffer, qui était sur place.

C’est Collette qui a tiré et qui s’enfuit. Halliez est arrêté et emprisonné.

Mais, la police allemande exige et obtient sa libération de suite.

17 mars 1944 : Collette et Vanackère se présentent à Maillebois (Eure et Loir) habillés en officiers allemands, pour participer au mariage de Mr Dietrich et Melle Tomassin qui ne les ont pas invités. Les jeunes mariés, réfugiés de Commercy, sont employés chez Desprez transporteur de bois à Maillebois lequel travaille pour la Wehrmacht et qui sera inquiété à la libération.

Les faux allemands couvrent de cadeaux les mariés et remettent au maire Georges Pasdeloup trois fois 500 francs somme qui sera affectée au secours aux prisonniers de guerre.

Collette se fait appeler désormais Kaufmann et quelques jours après, il revient à Maillebois pour exiger la disposition d’une maison réquisitionnée par les Allemands et appartenant au colonel KROOVIER qui a quitté la région par sécurité. 1951                   2023

Le château de Maillebois « sous protection allemande ».

Ce château est convoité par les Allemands pour y installer une Feldkommandantur en 1941. Mais la propriétaire, Madame Hubert Latham veuve du célèbre aviateur ne l’entend pas ainsi et fait agir ses relations auprès des officiers allemands de Paris. Chose unique autant qu’étrange, Karl Heinrich (ou son cousin Otto) von Stulpnagel commandant du Gross Paris lui accorde un protectorat évitant cette présence massive des officiers allemands.

Cela étant, le château servira deux fois de prison, l’une pour parquer les rescapés canadiens du débarquement raté de Dieppe en 1942 et l’autre pour mettre en résidence surveillée Dietrich von Choltiz après la libération de Paris.

C’est à cause de ce statut que la maison envisagée par Collette-Kaufmann et qui est dans l’enceinte du protectorat, ne peut lui être attribuée par le Maire Pasdeloup.

Le château sera tout de même occupé par les SS lors de la débandade de 1944 alors que, dans les greniers, des aviateurs anglo-saxons étaient cachés en attendant les troupes de la Libération.

Le Maire ne peut intervenir sur ce bien sous séquestre allemand et le fait savoir à Kaufmann qui va chercher un ordre libératoire auprès de la Kreiskommandantur de DREUX. Il l’obtient facilement ce qui est un signe de ses appuis allemands.

Ayant eu satisfaction, il s’installe là avec femme et enfants, ne négligeant pas ses allées et venues sur Paris.

 Yvon Collette , photo de 1946

Un bijou de grande valeur qui suscite la convoitise des voyous, et …de Göring

C’est un joyau énorme figurant une branche comportant 7 tiges, 7 feuilles et 7 perles dont le « carafon » de 15 grammes est considéré comme l’un des plus beaux bijoux au monde. Il est la propriété du Vatican qui veut le vendre. Cette mission est confiée au père Robert qui entame des pourparlers de transaction.

Göring, ayant appris l’existence du bijou, aurait exigé de le posséder et des officiers allemands sont allés visiter M.Michelet secrétaire du Père Robert pour le conduire avec le bijou à Göring qui résidait à ce moment dans un grand hôtel de Paris.

Le bijou est emporté dans le bureau du dignitaire allemand et le secrétaire Michelet attend avec angoisse sa restitution. C’est chose faite avec le retour des officiers qui ne proposent que 18 millions de francs au vendeur. De retour auprès du père Robert le négociateur rejette cette offre.

Les Allemands, furieux de voir échapper cette transaction, prennent contact avec la « Carlingue » pour reprendre cette affaire.

6 avril 1944 : Une équipe avec Georges P. (Piat ?), Louis C. (Collette ?), Antoine B., se met en route pour récupérer le bijou au profit des Allemands. Leur intention réelle est de voler pour leur compte cette pièce rare et ils en parlent avec Joseph (Halliez ?) pour passer à l’action.

4 hommes armés investissent donc l’appartement de Mr Musseau au 6 rue Cassette à Paris. Cet agent d’affaires est en train de recevoir le Père Robert, Supérieur des Missions Etrangères, dont le siège est rue du Bac, et qui intervient au nom du Vatican pour négocier la vente du bijou de 605 carats pour le prix de 25 millions de francs.

Le bijou, « la perle d’Asie », (ou perle d’Orient) est dérobée par les gestapistes lors de la transaction chez Musseau avec le père Robert où un de leurs complices (Antoine B.) est aussi présent comme acheteur potentiel pour 25 millions de francs lorsque les « policiers de la Carlingue » revêtus de l’uniforme allemand de la NSKK investissent la pièce, armés en criant : « Gestapo ».

Le bijou disparait donc.

L’enquête de la police française aboutira à l’arrestation d’un complice : Georges Piat âgé de 24 ans qui conduit les enquêteurs sur un nommé Collette, 45 ans citoyen belge condamné 16 fois en Belgique.

Piat, incarcéré, sera libéré par la police allemande.

Yvon Collette (Louis) part alors avec Georgette sa femme se réfugier à Maillebois où ils enterrent le joyau dans une remise. C’est alors qu’à Paris le SIPO-SD allemand, la vraie Gestapo, reprend cette affaire et demande aux autorités françaises l’arrestation de Yvon Collette.

Les Allemands veulent que la gendarmerie française arrête Collette.

22 avril 1944 : Sur ordre du capitaine Guérin commandant la gendarmerie de Dreux, le gendarme Witmann et deux collègues se présentent au Maire de Maillebois pour arrêter Kaufmann-Collette sur réquisition de la PJ de Paris.

Toujours en uniforme allemand, il est au cinéma au café Dubray avec sa femme et se laisse conduire chez Pasdeloup le maire, puis est transféré à Châteauneuf en Thymerais avec la camionnette du maire.

23 avril 1944 : Le chef de la police allemande de Dreux avec 4 soldats, le capitaine Guérin, l’adjudant Witmann et quelques-uns de ses hommes, reviennent pour perquisitionner la maison KROOVIER où habite la famille Collette. Une fouille vaine, hormis des papiers personnels : carte du PPF, engagement dans l’armée allemande, passeport belge, carte grise spéciale véhicule allemand, permis de port d’arme.

L’abondance de ces pièces officielles allemandes fait hésiter le chef de la police allemande de Dreux. Il exige que le prisonnier lui soit remis en le promettant à la sanction suprême, mais il sera libéré peu après.

Collette est donc arrêté par la police française et demandé par les Allemands qui l’emprisonnent. Puis, l’équipe de Bonny et Lafont, mise en demeure par les Allemands de découvrir la vérité, vont s’occuper de Colette et ses complices.

Il est interrogé et brutalisé Rue des Saussaies où il reçoit 300 coups de nerfs de bœuf ce qui le conduit à l’infirmerie dans un état comateux. Sa femme est incarcérée à Fresnes et lui au Cherche Midi. Georgette sera libérée le 30 juin et elle file de suite à Maillebois pour surveiller la planque dans la remise.

Dans sa cellule, avec un résistant emprisonné dont le fils témoignera, Collette cherche à s’évader en sciant un barreau de la cellule…

Il réussira à communiquer sommairement avec sa femme, « réfugiée dans la région d’Evreux », qui est venue à Paris devant la prison où Collette a pu l’apercevoir par la fenêtre. Selon une information non sourcée, il est condamné à la déportation et réussirait à s’évader du train qui le conduit dans les camps de concentration.

Evadé ou libéré on le retrouve à Maillebois en famille quelques jours après où Vanackère (Didi) vient le voir souvent.

A l’occasion de la perquisition du 23 avril, l’adjudant Witmann avait appris l’identité de « Didi » qui a été arrêté à Paris et a été emprisonné peu de temps suite à l’affaire de la rue Cafarelli. Mais Didi est libre à nouveau.

5 juin 1944 : Halliez, qui avait aussi été arrêté après l’affaire de la rue Cafarelli et relâché par les Allemands, intervient, armé, dans un cabaret tenu par Catherine Malle à l’enseigne de « Chez ma cousine », situé à Montmartre.

Il entre dans le restaurant et fait un carnage : il tue Auguste Ricky collaborateur notoire de la Gestapo, avec lequel il est en conflit, puis Jean Pouget, le cuisinier Etienne Demoy, la patronne Carmen Malle et blesse Carmen Marquant la caissière.

Il ne sera pas inquiété avant la Libération.

La libération de la région change la donne

15 aout 1944 : la région de Maillebois est libérée par les Américains et les résistants du maquis de Saulnières dont les deux fils du maire Pasdeloup réintègrent la ferme familiale.

Pendant ce temps, sentant le climat changer, Collette passe chez les résistants parisiens où il se distingue dans les combats de la Libération à Paris. Blessé, il est soigné à Bichat avant de retourner à Maillebois.

20 aout 1944 : Collette réapparait allongé au fond d’une voiture, brassard de FFI au bras. Il est couvert de pansements. Un de ses complices était venu en éclaireur voir si sa planque était toujours accessible et s’il n’y avait pas de résistants dans le village. Il se rend dans la maison de la cachette très peu de temps et repart de suite.

15 jours plus tard, le maire constatera des fouilles effectuées dans le jardin derrière la maison Kroovier occupée un temps par Collette et ses complices. Des pierres plates avaient été disposées sous la terre pour y cacher des objets qui auraient pu être le produit de ses vols dont la « perle d’Asie ».

Le 1er décembre, Collette est déjà à Marseille sur la route de l’exil comme de nombreux collaborateurs ayant des moyens de s’exiler. Cachés dans un petit hôtel ils tentent de négocier la vente de bas de soie féminins mais des oreilles discrètes les écoutent et les policiers débarquent croyant avoir affaire au marché noir.

La justice, enfin.

4 décembre 1944 : Collette et sa femme sont ainsi arrêtés à Marseille dans un hôtel où les policiers retrouvent le bijou volé dans son coffret en or, caché dans le réservoir du WC de leur chambre ainsi que 3 millions de francs. Il y a là la « perle d’Asie », un bracelet en or, 2 bagues en or avec diamants, une montre en platine, un chronomètre, une chevalière, une gourmette le tout en or massif.

 Yvon Colette et Georgette Philippe au procès

Le juge d’instruction nommé réclame les prisonniers et le butin mais Paris réclame aussi le produit du vol. C’est l’inspecteur principal Bouvier qui remonte à Paris avec la « perle d’Asie » cousue sur son gilet ; il est protégé par l’inspecteur Maurin lourdement armé dans ce train bondé de voyageurs. Ils craignent à tout moment une attaque des complices de Collette et décident de descendre à Lyon et changer de train par sécurité.

Le bijou et le reste du butin sont enfin remis au juge par les policiers qui lui répètent la consigne de précaution annoncée par Collette lors de son arrestation : « Prenez le bijou de la main gauche surtout ! ». Il s’agit d’une légende issue du temps où ce bijou était la propriété du shah de Perse.

La « perle d’Asie » sera restituée au Père Robert par la Justice française.

Quant à Collette, incarcéré en attente d’un jugement, il fait valoir des services imaginaires dans la Résistance allant jusqu’à prétendre avoir voulu soustraire le bijou convoité par Göring sur instruction de la Résistance. Des affiches dans Paris sont collées probablement par ses complices pour demander sa libération.

Il est de nouveau libéré pour signes de démence sans être jugé. Arrêté de nouveau et de nouveau évadé il part en Belgique où il est emprisonné pour d’anciennes affaires.

Dans le courant de l’année 1945, il a rencontré un jeune homme de Maillebois à qui il a remis un billet de menaces à l’attention de Pierre Pasdeloup fils ainé du maire et résistant. Il lui annonce les mots suivants :

« Mon cher Pierre, souviens toi de la perle d’orient ; 23 millions tu auras de mes nouvelles »

Ce billet, remis à la police déclenche une nouvelle enquête de la PJ et le policier Joly rencontre le gendarme Witmann pour qu’il lui communique le dossier Collette de 1944 mais ce dossier a disparu.

6 décembre 1945 : le procès contre Collette et ses complices devant la 16ème chambre correctionnelle est reporté pour la 6ème fois, suite aux simulations de folie présentées par l’accusé principal.

15 mai 1946 : la date du procès Collette est enfin fixée. Il a été arrêté et est conduit à l’infirmerie de la prison de Fresnes sous camisole de forces dans une cellule de sureté.

Dans la nuit du 14 au 15, il s’évade laissant sa camisole en lambeau dans la cellule ouverte par l’extérieur. Il vole le vélo d’un surveillant et disparait en Belgique.

Trois gardiens très probablement complices et achetés par Collette sont condamnés à la prison et incarcérés le 18 mai 1946 : Robert Cordier (4 mois), Delphine Guy (8 mois), Jean Battistelli (2 ans), peine assortie d’une indemnité de 5000 francs à verser aux Missions étrangères.

Georges Piat sera condamné à 5 ans de prison et 10 000 francs d’amende le 4 novembre 1948 et sortira immédiatement ayant accompli sa peine avant le jugement.

La femme de Collette a été condamnée à par défaut le 8 juin 1944, à 2 ans de prison,10 000 francs d’amende et 5 ans d’interdiction de séjour.

Yvon Collette fût condamné le même jour et par défaut à 10 ans de réclusion et 10 ans d’interdiction de séjour pour les vols et agressions. La justice belge le condamne également pour détournement de mineure et viols. Il est finalement arrêté à Liège fin novembre 1946 mais il ne reste pas longtemps en prison car il s’évadera rapidement (article du Monde du 15 mai 1946).

1951

Ses complices Halliez et Vanackère sont dans le box du Palais de justice de Paris le 19 février 1951. Reconnu par la caissière du cabaret « Chez ma cousine » qui s’est remise de ses graves blessures par arme à feu, Halliez est condamné à la prison à perpétuité le 21 février.

Vanackère écope de 10 ans et Collette, toujours en fuite, à la peine de mort pour le meurtre du policier Pichot.

Le 20 février 1951 il est arrêté à Lobbes (Belgique) où l’on perd sa trace. L’Echo Républicain annonce dans son édition du 23 février 1951 que Collette a été condamné à mort par contumace.

Cette photographie, signée par Jean Moulin, a été prise par Françoise Thépault sa secrétaire à qui elle est dédicacée, dans la cour de la Préfecture à Chartres le 23 aout 1940.

Le Préfet y apparait fatigué et avec un foulard blanc autour du cou, pour cacher la cicatrice résultant de sa tentative de suicide du 17 juin 1940 où, ne pouvant plus s’opposer physiquement à ses tortionnaires allemands, il tenta le suicide.

Photo communiquée aimablement par Vladimir Trouplin. Musée Jean Moulin .Paris.

En cette 80ème année après la mort de Jean Moulin en juillet 1943 et , dans le cadre des commémorations organisées par l’Association Nationale des Amis de Jean Moulin, fondée par la soeur du préfet et Jacques Chaban-Delmas, cette conférence propose de revenir sur la période “eurélienne” de Jean Moulin entre Février 1939 et le 16 novembre 1940, date de son éviction par Philippe Pétain.

Quel est l’homme derrière le mythe ? Comment aborder sa réalité humaine couverte souvent par l’icone qu’il représente ?

Jean Moulin fût un Préfet du Front populaire, lié à Pierre Cot, de février 39 à juin 40, mais aussi un Préfet devant appliquer les directives allemandes selon la Convention d’Armistice signée par Pétain.

Il décidera de rester à son poste lors de l’invasion allemande de juin 40 à Chartres et de résister, jusqu’à mettre en cause sa vie, aux brutalités physiques et morales que l’Occupant lui réserve.

Cette projection locale s’incrit dans un ensemble d’informations sur le rôle de la Résistance dans ce village de 250 habitants sous l’Occupation.

Une des chevilles ouvrières du soutien au maquis est la personne de Pierre Bréchemier, le curé du village. Il loge dans son presbytère des personnes recherchées dont l’abbé Krier de Luigny pourchassé par la Gestapo. Il y a aussi un jeune garçon de 15 ans, juif en fuite de Paris, dont la famille a été déportée et qui veut se venger.

Il intégrera le maquis de la Ferté Vidame et participera avec le curé au transport des armes parachutées de nuit et cachées dans le clocher de l’église.

D’autres figures locales sont citées comme le boucher Maurice Jahandier (Beefsteak au maquis) qui assure la pitance aux maquisards.

Plusieurs précisions seront données après cette projection qui a fait découvrir aux habitants actuels les activités glorieuses d’une poignée de leurs prédécesseurs.

Le maquis de Crucey est encerclé par un bataillon.


Qui étaient ces maquisards retranchés au Bois de la Rue ?


Jules Vauchey est de ceux-là. Il est né en 1896 et tient un café à Malakoff en banlieue parisienne tout en étant douanier comme brigadier d’octroi. En 1939, il s’installe à Crucey et y rencontrera Yvonne Leroic qui tient le Cri Cri d’Or café du village, et qui deviendra sa compagne de résistance.

Jules Vauchey, un peu oublié aujourd’hui décèdera à Louvilliers en 1960 et est enterré à la Framboisière.
Vauchey va construire un noyau de gens sûrs pour agir contre les allemands. Cela prendra plusieurs années et au début de 1944, il peut compter sur des gens déterminés. Un maquis sera constitué au bois de Paradis, après le bois de la Rue par des jeunes gens encadrés par quelques anciens comme Vauchey ou Raymond Dive.


On y retrouvera aussi Fernand Thierrée, maire de Crucey, Montet l’artificier, l’électricien Albert Marie et son fils, Raymond Renard de l’équipement, Georges Elie et bien d’autres.
Les jeunes affluent. Ils se nomment Jean Rousseau, son frère Robert et son cousin Jacques, Louis Boilly, Gilbert Caillé, Pierre Gaudin, Marcel Thibault, Albert Chauvin, Maurice Pescheux, Georges Lenfant, Robert Monnet, Christian Vieljeux, Roger Angoulvant, le séminariste Joseph Hul, le Grand Charles. A cette troupe s’ajouteront après leur évasion 4 sénégalais, le marocain Abdelkader et l’algérien Zabel tous anciens soldats français prisonniers depuis 1940 dans la région.

Une foule de réfractaires STO arrive donc aux maquis. Il faut tester leur capacité de discrétion et d’engagement et on les place en ferme pour les tester.
3 sur 10 seulement seront pris au maquis. Mais ceux là seront les meilleurs.

Comment sont organisés les maquis ?


Donnons la parole à Raymond Dive, chef de groupe du maquis de Crucey sous la direction de Jules Vaucher où ils sont une quinzaine dans le bois à chercher à s’abriter pour y dormir :

.”On pense d’abord à la litière ; puis, quand le matelas de feuilles ou de fougères parait suffisant pour faire oublier au corps les bosses des cailloux ou des racines, on pense à se préserver contre le vent, contre la pluie probable et aussi contre les regards des visiteurs imprévus.
Plus tard le logement prendra l’allure d’un véritable camp retranché au bois de la Rue avec cabanes en bois recouvertes de végétations, tente marabout pour les réunions, réfectoire en plein air, poste de commandement et même prison”

Dessin du maquis au Bois de la Rue d”après Raymond Dive

Il faut nourrir la troupe de jeunes gens affamés et c’est le rôle indispensable des habitants qui soutiennent les maquis. Sans eux, et ils seront nombreux, les résistants n’auraient pas pu tenir dans la clandestinité.
Ils méritent d’être cités et notamment : le couple de charbonniers Tessier à la Rue, la ferme Lefol à la Couvertière, Mme Dejonc au château de Paradis

Charbonniers au bois


Quant au tabac, très recherché et très rare à l’époque, ce sont des commandos de résistants qui dévaliseront les dépôts officiels comme seront dévalisées les mairies pour récupérer des tickets d’alimentation.


Nourris et logés, il faut maintenant former au combat tous ces jeunes qui n’ont jamais fait de service militaire. Leur apprendre le maniement d’armes, le tir, et surtout la discipline et la discrétion.
Les liens avec la famille et les amis doivent être revus car toute indiscrétion met en péril tout le maquis que la Gestapo et la Milice cherchent à détruire.


On ne quitte pas le maquis sans une permission du chef. Si quelqu’un ne respecte pas les consignes de sécurité, une sorte de tribunal se réunit et condamne le résistant. Et d’ailleurs c’est ce qui se produit au maquis puisque dès la première nuit au bois de la Rue le 6 juin, 2 hommes disparaissent et il faut les retrouver d’urgence car tout le groupe est en péril.
Aussi, Vauchey décide de se porter vers le Bois de Paradis d’urgence.

Comment trouver des armes ?


Au début, ce sont deux ou trois pétoires de 14-18 et quelques fusils de chasse ayant échappé à l’obligation de dépôt à la mairie, qui sont les seules armes du maquis de Crucey.
C’est très insuffisant pour agir militairement et les résistants se bornent à saboter les lignes électriques et téléphoniques dont les poteaux sont sciés au passe-partout ou bien ils suppriment les poteaux indicateurs pour désorienter l’occupant sur les routes.
Les armes sont en Angleterre, pays qui ne sait presque rien de la résistance naissante car il n’y a pas de moyen de communication. En France occupée, les postes de radio ont été déposés en Mairie comme les armes de chasse sur instruction de la Kommandantur.

STEN MK 2

Voici un cas précis de parachutage :


Le 20 juillet 1944 à La Pommeraie la nuit est noire et le brouillard s’est levé. Au sol il y a le capitaine Pierre JEROME (Gérard Dedieu), Jules Divers (Les Chaises) ainsi que Bonnin et Confais, Raymond Dive et Fernand Montet (Crucey), ANATOLE (Joseph Le Noc) de La Ferté Vidame et SINCLAIR (Maurice Clavel) le Chef départemental de la Résistance. Les groupes de Dreux, Saulnières et Maillebois sont également présents.
SINCLAIR utilise le « S Phone » appareil de communication directe avec le pilote reçu lors d’un précédent parachutage. L’avion est encore au-dessus de Verneuil sur Avre quand la communication s’établit.
Au sol une balise démontable (EUREKA) est branchée sur une antenne mobile qui émet un signal puissant grâce à une batterie et l’avion perçoit le signal quasiment depuis son décollage en Angleterre. Il n’a plus qu’à suivre sur son cadran (REBECCA) pour arriver au lieu de réception. Photo antenne

Cet appareil est si précieux qu’il a été piégé au montage pour éviter qu’il tombe intact aux mains de l’ennemi. Avec une précision de l’ordre de 50 mètres la réception est facilitée.


Les armes sont là. Il y a des mitraillettes STEN, des fusils mitrailleurs GLEN, des mines anti chars, des grenades, et des crottins avec toute la panoplie des crayons allumeurs. Cependant, les notices sont en anglais que personne ne parle sauf Popeye. D’où la nécessité d’une formation poussée des recrues sans expérience.
La nuit, on entendra parfois des tirs dans les bois autour de La Framboisière ; ce sont les maquisards qui s’entraînent avec leurs instructeurs.


La Résistance va passer à l’action militaire.


Le choix de la stratégie adoptée résulte de cet immense déséquilibre des forces en présence. Pour la résistance, c’est l’attaque surprise qui est choisie.
Il n’y aura aucune bataille frontale, ce qui aurait été un suicide. Les « terroristes » comme les nomment les allemands, repèrent des objectifs, arrivent en silence la nuit, frappent et s’évanouissent dans la nature. Ils connaissent chaque chemin, chaque bosquet, chaque ferme amie et l’ennemi ne peut les poursuivre.
Mais si l’un d’entre eux est pris, souvent sur dénonciation de français, c’est l’exécution immédiate. A Crucey, il y aura quelques blessés au combat mais pas d’exécution tandis qu’à la Ferté Vidame 3 maquisards de 20 ans seront torturés puis fusillés au Château du Gland en aout 44.

Les attaques avec des crottins et celles avec des mines de 3,5 kg deviendront fréquentes sur les routes empruntées par les convois allemands. Elles se déroulent loin des habitations pour éviter les prises d’otages et ne donneront lieu à aucune arrestation de résistants.
La stratégie s’avère payante pour la résistance.


Cependant, les maquisards ne sont pas à l’abri des dénonciations ou des informations obtenues par la gestapo auprès des résistants arrêtés.

Encerclement du maquis par le bataillon allemand


La destruction du maquis de Crucey.


Tant que ce groupe de résistants est fixé à Paradis ou à la Rue, il se spécialise dans les attaques de convois avec les explosifs placés la nuit sur les routes. Une fois leur effet assuré sur les convois, ce sont les mitraillettes, les grenades et le fusil mitrailleur qui entrent en action.
Mais si cela est demandé par le commandement départemental, le maquis fait des prisonniers parmi les soldats. Ainsi, le 9 juillet, Silvia Montfort vient à la Rue pour passer cette consigne. Dive et Farjon partent avec le grand Charles sur la route de la Framboisière où deux soldats ont été repérés. Une courte bataille a lieu et les soldats sont désarmés. L’un d’eux résiste et doit être abattu par Dive. Il sera enterré dans le bois de Paradis après avoir été délesté de ses armes et ses papiers. L’autre est ramené au maquis où il effectuera les corvées pour les maquisards, ne regrettant pas du tout sa vie de soldat.

Il sera libéré par l’attaque allemande du maquis qui se déroule le 25 juillet 1944.

Ce jour là, à l’aube, 600 à 800 soldats encerclent le bois de la Rue, les chemins et les hameaux alentour. La veille et l’avant-veille des camions de miliciens sont apparus dans le hameau et ont fait feu en direction du bois en tirant à l’aveugle.
C’est donc l’alerte au maquis. Ils sont 15 terrés dans le bois avec leurs armes et se positionnent en hérisson à la corne Nord Ouest du massif. Le combat est trop inégal et c’est un massacre qui s’annonce. Pendant que Raymond Dive, qui était à l’extérieur au moment de l’encerclement, tente de contourner le bois revêtu de son uniforme de cantonnier, les maquisards décident d’enterrer leur armement et de tenter une sortie par petits groupes entre les patrouilles qui ne peuvent tout boucler compte tenu de l’étendue de la zone.

Avec des outils de bucherons, ils sortent progressivement et se réfugient vers Angennes. Les Allemands ne trouveront rien dans le bois où ils tirent à l’aveugle dans les fourrés où ils progressent. Un maquisard sera touché légèrement par une de ces balles perdues mais tous sont sains et saufs. Dès ce moment, le maquis de Crucey déménage ailleurs où il continuera les attentats sur les routes. Plus tard, les cabanes seront réoccupées quelques nuits en fonction des besoins des maquisards.


Comment les Allemands sont-ils arrivés à connaître le lieu du maquis ?


Depuis le débarquement du 6 juin 44, la résistance est présente à Paradis et à la Rue. Il y a des allées et venues d’hommes jeunes, inconnus des habitants des hameaux, ce qui interroge certains. Dans le café d’Angoulvant à la Rue, certains maquisards s’attardent en bavardages inconsidérés. L’un d’eux y exhibe sa STEN pour impressionner les clients et le chef du maquis doit sanctionner ; il sera muté dans un autre maquis.

Le secret, gardien de la sécurité de chacun, est mal gardé et des informations peuvent remonter à la Gestapo de Brezolles.
Ensuite, intervient le 18 juillet, le plasticage du viaduc de Cherizy, c’est-à-dire de la voie ferrée principale pour le ravitaillement allemand de Normandie. L’attentat est à l’actif de la résistance départementale dont les éléments de Crucey comme Montet, Dive ou Popeye qui ont convoyés et posés les explosifs.
La Gestapo liquide ses dossiers et rassemble toutes les informations pour détruire les groupes de résistance du nord de l’Eure et loir.
Successivement les groupes de Dreux, Crucey et la Ferté Vidame vont être attaqués par la Wehrmacht :

Quant à Pierre July, il s’évadera dans des conditions obscures du wagon qui le conduit en Allemagne.
A Crucey les Allemands ont été conduits par July qui a sans doute parlé. Jules Vauchey est caché dans une niche à chiens derrière des touffes de dahlias et devant le café tandis que les soldats fouillent la maison. Sa compagne Yvonne sera déportée de camp en camp jusqu’en avril 45, date à laquelle elle rentrera à Crucey avec 37 kg de moins et une santé détruite.

Vauchey s’enfuira vers Morvilliers, puis plus loin quand les soldats détruiront la ferme où il s’est réfugié.

On reconstitue le maquis et on poursuit les attaques plus loin.


Les maquisards de Crucey reconstituent leur groupe dès le 26 juillet où ils se réfugient dans une grange à Angennes. Les armes cachées aux Mittereaux sont transférées dans les marnières de Revercourt et de nouveaux soutiens sont sollicités pour la nourriture comme Léopold Debue, Henry Cherrey ou Madame Marie.


Le 30 juillet 44 à 22 heures presque tout le monde est réuni à La Valéterie au bord de la Meuvette lorsque l’ordre d’attaquer sans relâche lui parvient. 2 équipes partent au combat : l’une aux Louvis sur la RN 839 et l’autre vers Sevard.
A Sevard, Dive place un FM servi par Gilbert Caillé et Marcel Thibault à 80 m de la route. Pierre Gaudin, Albert Chauvin, Louis Boilly, Boby Vieljeux et Raymond Dive assureront les tirs à la mitraillette. Des crottins et du plastic sont posés sur la route et on attend.
Deux camions arrivent de Brezolles et l’un accroche un explosif. C’est le signal des tirs pous les 5 maquisards équipés de STEN. Le FM est enrayé et ne peut assurer la destruction complète du convoi ; c’est donc le repli d’urgence vers La Valéterie. A noter que ce camp du maquis est installé à 100 mètres d’une batterie anti aérienne de la FLAK allemande, ce qui n’empêche pas les résistants de s’endormir tranquillement.


Le 9 aout, nouvel ordre d’attaque générale pour le maquis. 2 groupes sont constitués dont celui de Dive qui doit étrenner un bazooka reçu en parachutage. Le maquis a encore déménagé et se trouve maintenant vers Prudemanche. Il s’agit d’attaquer sur la RN 12 voie principale de ravitaillement allemand pour le front de Normandie. Les convois de chars et de véhicules blindés défilent sans arrêt vers le front.


Le 10 aout à 2 heures du matin, le groupe part en direction de l’Avre et de Dampierre. Après la traversée d’un marécage, les maquisards lourdement chargés se placent aux Carrières :
Georges Elie et Albert Marie sont près de la nationale dans un bosquet, Boby Vieljeux, Dive et Louis Boilly se placent en arrière avec le bazooka tandis que Pierre Gaudin et Vanelsue assurent la protection de retrait dans le bois avec le FM.


La cible est choisie avec précaution car il ne faut pas que les troupes ennemies soient trop nombreuses. A 4 heures un gros camion suivi d’autres arrive et le bazooka entre en action. Le coup est dévastateur en plein milieu du transport de troupes.


C’est l’ordre de repli pour les maquisards car les redoutables motos avec side-car surmonté d’une mitrailleuse dévalent le terrain pentu vers les assaillants en tirant avec des balles traçantes. Le brouillard s’est levé et les silhouettes des fuyards deviennent des cibles pour les allemands. Les dernières clôtures franchies, le moulin de la Bouverie est dépassé et les résistants se cachent un instant dans la côte du Plessis d’où ils voient passer sous leur nez les poursuivants. Tout le monde est sauf et regagne le repos vers Sotteville .
D’autres attaques nocturnes seront lancées par le groupe désormais très aguerri qui va loger quelque temps chez Joseph l’italien à Sotteville.

Les maquisards continueront le combat ensuite pour la libération de Dreux puis de Paris et enfin des poches de l’Atlantique.


Anecdotes :
Mairie de la Saucelle le 25 juin 1944 : Lors de l’attaque à la Saucelle un gendarme est pris à partie par la bande de malfaiteurs cachés dans le bois de Paradis selon des témoins peu dignes de foi. Les maquisards de Crucey sont assimilés un peu vite aux profiteurs de guerre. Pour en avoir le cœur net, le gendarme Echard de Senonches contacte l’abbé Corre qui correspond avec le maquis. Fernand Montet est prévenu et rencontre le gendarme avec l’abbé Corre pour restituer la vérité et disculper les maquisards de Crucey.


Roger Angoulevant de La Saucelle est chargé à 17 ans de surveiller le dépôt d’armes que le groupe de Dreux n’a pu emporter 2 jours avant au parachutage de la Pommeraie. Les soldats qui encerclent le maquis menacent de l’exécuter quand le Maire de la Saucelle obtient sa grâce auprès de l’officier allemand.


Gabriel Herbelin, chef du grand maquis de Plainville est né à la Saucelle au début du siècle dernier. Sa famille déménagera souvent et lui-même deviendra représentant chez le grainetier Truffaut, ce qui lui permettra beaucoup de contacts avec les cultivateurs. Il a probablement connu des jeunes de son age à la Ferté Vidame et chassé avec des Anciens comme Mary Thibault de Morvilliers.

Herbelin sera le parrain du maquis de la Ferté Vidame et transmettra 2 mitraillettes STEN à Joseph Le Noc le 3 février 1944, date de création de ce maquis.

Quelques mots sur Jacques Raymond DIVE :

Il est né dans la Marne à Warmeriville le 1er octobre 1910
Service militaire dans la Marine du 1/10/31 au 1/10/32 comme matelot 2ème classe
Père de trois enfants, il n’est pas mobilisé en 1939 ce qu’il refuse par une demande d’engagement volontaire pour une unité combattante refusée également.

En 40, agent cantonnier à Brezolles il est soumis à des menaces de sanctions du fait de son attitude patriotique.
En 41, il fait une campagne de démoralisation contre l’occupant et noue des contacts pour envisager une résistance armée.
En novembre 43 il prend contact avec Jules Vaucher à Crucey pour organiser un groupe de résistance armé.
1er juin 44 il est nommé chef de groupe et le 7 juin, il prend le maquis avec son équipe au bois de Paradis.

Cette conférence a été présentée à une cinquantaine de personnes réunies à l’occasion de la tenue de l’assemblée générale du CEDREL en janvier 2023.

Dans ce dossier, il s’agissait de révéler, grâce à de récents contacts avec un correspondant de l’Eure, la manière dont les Allemands ont réussi à infiltrer la résistance locale tout en privilégiant l’arrestation de centaines d’aviateurs alliés tombés et récupérés par des civils et éviter ainsi qu’ils soient rapatriés en Grande Bretagne pour continuer leurs missions de bombardements et de largages d’armes pour la résistance.

L’INFILTRATION DES AGENTS ALLEMANDS

    DANS LA RESISTANCE

Dossier Jacques DESOUBRIE

Alias Jean jacques,

Alias Pierre Bounain, Jean Masson

Agent belge du Sipo-Sd (gestapo)

Les débuts du traitre

Né le 22 octobre 1922 en Belgique dans une famille ouvrière, il a été très peu pris en charge par ses parents qui s’installent en France quand il atteint l’âge de 10 ans. Passé le certificat d’études et un diplôme de mécanique à 17 ans.

Errant dans Lille fin 1940, il est arrêté par les Allemands qui le sanctionnent pour avoir porté un signe distinctif gaulliste sur lui. Il est fouillé et on trouve sur lui une fausse carte d’identité qui lui vaut une mise au secret 5 jours durant où il est copieusement battu par les soldats.  

   

                                                                                                                                     

Résistant ou Collabo quel choix ?

Insigne gaulliste, fausse carte, tout dans le personnage peut le destiner à la résistance naissante.

C’est l’inverse qu’il choisit en dénonçant les auteurs des faux papiers du café Vauban de Lille où il a noué ses contacts. Plusieurs personnes sont arrêtées dont il n’aura plus de nouvelles.

Logiquement, les Allemands lui demandent de travailler pour eux mais il refuse.

Il échoue en banlieue de Paris, sans emploi, où il survit ainsi plusieurs mois.

En février 1941, il décroche un emploi de mécanicien au Fort d’Ivry transformé par la Wehrmacht en atelier de réparation de véhicules. C’est là qu’il rencontre un lieutenant allemand qui va le prendre en main et qui voit la possibilité d’un recrutement de ce jeune homme paumé. Les discussions s’approfondissent entre eux et Desoubrie découvre que l’idéologie nazie correspond à ces idées. Plusieurs fois sollicité par ce lieutenant, il accepte de se rendre à l’Abwehr , les services secrets militaires allemands.

Son choix est fait, ce sera la collaboration

Reçu par un capitaine dans un bureau de l’avenue de la Grande Armée à Paris il est affecté à un service d’enquête qui agit contre des militants gaullistes et communistes.

On le teste en lui confiant des missions de vérification d’adresses obtenues par les dénonciations qui pullulent à Paris et il s’en sort si bien qu’on lui attribue un salaire de 2500 francs, plus les frais, chaque mois.

Après 4 ou 5 missions il reçoit une fausse carte d’identité et un ausweis spécial à présenter lors des contrôles allemands.

On le dirige ensuite sur l’infiltration des équipes clandestines qui commencent à éditer des journaux sommaires, mais significatifs pour les Allemands d’un réveil patriotique qu’il faut tuer dans l’œuf.

Son salaire passe à 5400 francs mensuels soit plus de 5 fois le salaire moyen d’un ouvrier spécialisé.

Sa technique d’infiltration consiste à prendre contact avec des prisonniers de guerre évadés dont quelques-uns se retrouvent dans un café à Paris. Il se présente comme l’un d’eux et gagne progressivement leur confiance.

En aout 1941, il prend contact avec quelqu’un de très proche d’un groupe qui rédige et édite « la Vérité Française » un des premiers journaux clandestins parisiens.

Pénétrer la résistance naissante

D’étape en étape il parvient jusqu’au fondateur Jean de Launay qui, sans se méfier, lui confie le secrétariat du journal et la liste des membres avec leurs adresses. Le groupe animé par De Launay est en lien avec le réseau du musée de l’Homme de Boris Vildé, réseau dont Desoubrie participe à la destruction.

En octobre, les bureaux de De Launay sont perquisitionnés, lui est arrêté comme 140 personnes de son réseau dont la plupart vont périr fusillés ou déportés.

L’activité de l’agent Desoubrie va se poursuivre avec un nouvel objectif : pénétrer les organisations naissantes de la résistance et les réseaux de récupération des aviateurs anglosaxons qui chutent après les coups portés contre leurs appareils par la terrible FLAK ou par les chasseurs de Göring.

Le contexte

La France est occupée dans sa partie Nord et Ouest jusqu’en novembre 1942, date à laquelle commence une occupation totale du territoire après le débarquement allié en Afrique du Nord.

La résistance au Sud bénéficie avant fin 42 de plusieurs conditions plus favorables qu’au Nord : présence de l’armée d’armistice et des déserteurs français de cette armée de Vichy, stocks d’armes de 1940 qui sont cachés aux yeux des Allemands, facilités de circulation meilleures malgré les contrôles des gendarmes français.

Fin 41, Desoubrie a réussi à étendre son activité dans l’Aisne sous le nom de Jacques Verger et à intégrer un groupe de résistants constitué à Compiègne. Le 3 mars 1942, il livre les noms aux Allemands qui opèrent un vaste coup de filet en arrêtant 17 résistants.

Sans relâche Desoubrie participe, aux côtés de Devillers, autre agent infiltré, à l’infiltration du groupe de Combat-Nord qu’Henri Frenay essaie d’implanter en zone occupée et qui aboutira à l’arrestation et à l’exécution de plusieurs dizaines de résistants.

Mais le 7 mai 1942, Desoubrie est arrêté par la police de Vichy lors d’un voyage en zone sud. Les services secrets de Vichy le font parler et il est interné au camp de Verney en aout 42. Les services allemands interviennent pour le libérer, ce qui est fait en novembre lors de l’invasion de la zone sud par la Wehrmacht.

Se présentant ensuite comme ancien résistant détenu par Vichy, il tente d’infiltrer d’autres réseaux : Turma-vengeance, Centurie, et l’OCM où il participe à l’arrestation de Grandclément.

Les services de sécurité allemands travaillent depuis des mois sur le repérage des activités clandestines en France occupée et cherchent à retourner des responsables de la résistance qu’ils sont parvenus à identifier.

Ainsi, Friedrich DHOSE, officier allemand responsable de la GFP 716 (contre-espionnage) à Bordeaux cherche à retourner André Grandclément un des hauts responsables de l’OCM, importante organisation de la résistance.

Alors qu’il réussit à rencontrer ce responsable dans un rendez-vous étrange, Dhose a un projet plus intelligent que l’arrestation immédiate. Il connaît les opinions de Grandclément.

 Il l’a fait arrêter le 19 septembre 1943 à Paris alors qu’il avait rendez-vous avec MarcVuillemin.

Lors de ce rendez-vous, l’agent allemand Jean Jacques Desoubrie est caché là, dans un café, et surveille Grandclément. C’est lui qui prévient Dhose de la présence du résistant par téléphone et c’est l’arrestation. Le Sipo-SD (Gestapo) connaît donc Vuillemin et ses rapports avec Grandclément. Quant à Desoubrie les résistants le retrouveront à leurs dépens en Eure et Loir comme dans d’autres départements.

Destruction des réseaux récupérant des aviateurs

Desoubrie est donc chargé d’infiltrer les réseaux de récupération d’aviateurs tombés. Il teste son approche au printemps 1943 sous le nom de Jean Masson pour pénétrer un réseau de récupération d’aviateurs dans le Nord de la France région qu’il connait bien.

Puis il décide de s’attaquer au plus important : la ligne Comète.

Le réseau Comète fût mis en place par la résistance et animé par une femme, Andrée Dejongh, puis par son père, deux Belges entrés en résistance dès 1940. Comète est né en Juin 1941. Andrée DE JONGH s’attela alors à l’immense travail d’organiser une ligne d’évasion : pendant des mois, elle prit des contacts avec des résistants pour créer ce réseau, héberger les aviateurs, leur fournir des vêtements civils, des faux papiers. Elle recruta des guides basques, familier du passage des Pyrénées, organisa des relais, recruta des fermiers basques qui pouvaient cacher les pilotes en transit. Le réseau d’évasion est d’abord surnommé la “ligne DEDEE”

Andrée DE JONGH responsable du réseau Comète Photo Forced Landing

 La filière consistait à faire transiter les aviateurs par Nantes ou Limoges pour rejoindre le Pays Basque et la Bidassoa où la frontière espagnole était franchie. Si les aviateurs alliés n’étaient pas repérés par la Guardia Civile ils rejoignaient Gibraltar au sud ou le Portugal proche avant d’embarquer pour l’Angleterre.

Plusieurs aviateurs touchés en Eure et Loir utiliseront cette filière par des contacts avec les maquisards locaux. Après des mois de fonctionnement et des dizaines de rapatriés, la filière sera infiltrée et démantelée avec l’arrestation de sa créatrice. Andrée Dejongh est capturée le 15 janvier 1943. Le réseau de 3000 membres avait été infiltré par Jean Jacques Desoubrie.

Témoignage de Jean Pierre Mallet militant actif de Comète :

 “La première fois que nous l’avons rencontré, il se présenta et nous le reçûmes à notre bureau néanmoins avec la plus grande circonspection. Il nous parla longuement avec une conviction communicative, dévoilant des détails exacts tant sur le nom et les fonctions de plusieurs membres de la ligne que sur les activités que nous poursuivions pour la même cause. Il développa longuement ses services “réels” qu’il avait déjà rendus en convoyant des aviateurs, citant sans erreur le nom de nos divers contacts et déclarant qu’il savait que nous financions ces activités. Il conclut en faisant état de son désir de participer à la lutte à nos côtés en continuant à convoyer les aviateurs. Cependant, soucieux de contrôler ses déclarations, nous en avons longuement parlé avec Georges d’Oultremont et avec Jean DE BLOMMAERT, que nous hébergions alors dans une chambre de bonne de notre appartement 4, avenue Emile Pouvillon à Paris 7ème. Après contrôle et recoupement, il fut prouvé que l’homme disait vrai et nous avons alors décidé de le financer. Mais très vite, nous acquîmes la conviction que ce personnage jouait double jeu. Les arrestations se multipliaient. Il arguait trop souvent de ses difficultés financières, tandis que nous recevions de plus en plus fréquemment des appels téléphoniques suspects. Un jour, l’un des nôtres qui allait chercher des “colis” vit le nommé “BOULAIN” en compagnie d’un personnage connu sous le nom de “l’homme au doigt coupé”, un certain Prosper DESITTER identifié comme étant au service de la Gestapo. Ce fait emporta notre décision de rompre toutes relations avec BOULAIN et de le mettre hors d’état de nuire“.

Il y aura 700 arrestations dont 288 aviateurs. Andrée Dejongh sera déportée à Ravensbrück puis Mauthausen et libérée le 22 avril 1945.Toutefois, le réseau Comète réussira à se maintenir d’abord avec son père Frédéric Dejongh (Paul) lui aussi arrêté le 7 juin 1943, puis fusillé au Mont Valérien le 29 mars 1944. Ensuite, le colonel Dauphin (DUC) continuera le réseau et il sera demandeur de l’accès au camp de Fréteval pour ses aviateurs lors d’une rencontre avec Poitevin (Bichat) et Gagnon (Legrand) à Chartres le 9 avril 1944.

 Autre réseau cible pour Desoubrie, le réseau Hunter qui a été créé fin 1942 pour agir dans le domaine du renseignement. Rapidement, il est confronté à la récupération des aviateurs tombés dans la région de Nonancourt.

Hunter-nord a pour rayon d’action l’axe Dreux-Tillières sur Avre et de l’Avre à Thomer la Sogne. Il est en lien avec les groupes de résistance, les convoyages se font par train vers Paris avec accompagnateurs.

Les Allemands ont considérablement renforcé la défense anti aérienne (FLAK) autour de Dreux pour protéger les aérodromes de Maison Blanche et de St André de l’Eure. Des leurres sont mis en place avec des avions en bois et en toile pour détourner les bombardiers alliés qui dominent le ciel depuis l’année 1944.

Cette stratégie est payante avec nombre d’avions alliés abattus et leurs cortèges de tués et d’aviateurs obligés de sauter en parachute. Ainsi, la récupération des aviateurs abattus devient la principale préoccupation des Alliés car leur remplacement nécessite des mois de formation en Angleterre.

 Tir de la Flak avec un canon de 88

C’est aussi une priorité pour les Allemands de récupérer ces aviateurs pour les neutraliser en les internant dans les camps. D’où une double stratégie mise en place par les forces ennemies pour sauver ou capturer ces aviateurs.

Dès qu’un avion est aperçu en perdition et que des parachutes se déploient dans le ciel, les résistants tentent de s’approcher le plus possible pour aider ces hommes qui vont atterrir dans un pays inconnu dont ils ne parlent pas la langue et n’ont aucun contact sur place. Les Allemands aussi envoient des patrouilles pour les capturer et c’est à qui arrivera le premier. Beaucoup sont blessés dans leur chute et sont parfois intransportables.

Le réseau Hunter sera ciblé par la Gestapo et la branche Nord autour de Nonancourt comptera nombre d’arrestations. Des dizaines de lieux d’accueil ont été mis en place le long d’un parcours qui allait au début jusqu’à la frontière espagnole.

A partir d’avril 1944, le voyage des aviateurs pris en charge par la résistance passe désormais par le maquis de Crucey à pied avec huit à dix aviateurs à chaque passage. Quelques maquisards armés protègent ces convois à distance. Ce sont environ 50 aviateurs qui seront ainsi récupérés par Hunter-Nord de Nonancourt. Beaucoup sont hébergés chez des habitants sympathisants de la résistance.

(Voir fiche sur récupération des aviateurs-lieux symboliques-Nonancourt).

Description de DESOUBRI : âge à l’époque 28 ans, très souvent vêtu de gris, cheveux brun clair auburn. Il avait une petite touffe de cheveux bouclés sur la tête et les cheveux courts. Taille : environ 6 pieds peut-être un peu moins. Yeux bleus, vert clair, mince et nerveux, teint pâle, petite tête ronde sur un long cou mince, il parlait avec un accent Belge. 

 Jean Jacques DESOUBRIE

Selon B.Guinguier c’est un électricien habitant la frontière franco-belge près de Tourcoing qui a permis aux Allemands le démantèlement du réseau « Comète » en avril 1943, l’arrestation de 150 aviateurs alliés ; il serait responsable de 1500 arrestations depuis le début de l’occupation. Démasqué en juin 1943, un groupe chargé de faire disparaître les traîtres devait s’occuper de son sort mais après un silence prolongé jusqu’en janvier 1944, il refit surface et il continua à sévir dans les réseaux Picourt et Hunter, dans l’Eure ainsi que l’Eure et Loir.

Ce Jean Jacques s’appelle aussi Pierre Boulain ou Jean Masson selon les circonstances et connaît très bien certaines structures clandestines de la résistance. Ce belge de 22 ans en 1944 a été envoyé à Dreux par le boucher de Saint Piat, Raymond Vauvilliers, authentique résistant qui y perdra la vie. Il est accompagné de Guy Moreau faisant fonction d’agent de liaison qui est, lui aussi, un résistant reconnu, membre du groupe July à Dreux.

Comment cet agent efficace se retrouve-t-il au cœur des groupes de résistance d’Eure et Loir ?

L’infiltration

Pour comprendre cette opération allemande d’infiltration il faut partir de Chartres et des missions de Raymond Picourt, pharmacien installé rue de la Gare et agent de renseignement immatriculé à Londres.

 Picourt est en rapport avec notamment Jules Divers chef de l’important groupe de résistants des Chaises à Clévilliers. Il connait aussi le couple de bouchers M.Mme Vauvilliers à St Piat qui dépendent des Chaises et sont des combattants très actifs dans la résistance.

Alors que les consignes de Londres sont claires : respecter le cloisonnement strict des activités par souci de sécurité et refuser d’autres missions que celles pour lesquelles un résistant est habilité, R.Picourt répond à des  demandes de Vauvilliers pour la prise en charge des aviateurs tombés qui sont de plus en plus nombreux. Le boucher de Saint Piat est de plus en plus sollicité par ses contacts résistants du nord de l’Eure et Loir pour évacuer pilotes, radios et mitrailleurs des bombardiers abattus.

Picourt est un agent secret de De Gaulle (matricule N° SRNX/1281), lieutenant de réserve du service de santé, né le 22 octobre 1900 au Tréport. Il a été démobilisé en août 1940. Raymond Picourt a la possibilité de passer des messages à Londres et dans l’un d’eux, il demandera d’éviter de bombarder le quartier de la gare de Chartres où il exerce ses activités. Malgré cela, le gros bombardement du 30 juin 44 détruira une partie de ses locaux où il continuera ses missions.

  Raymond Picourt pharmacien de Chartres

Malgré les consignes de Londres, Raymond Picourt acceptera de loger plusieurs aviateurs chez lui à Chartres alors que 2 officiers allemands habitent au-dessus et que l’hôtel voisin de la rue Jehan de Beauce est occupé par la troupe.

Cependant il sera vite débordé et il aura recours aux services de sa voisine madame Trenoy. Raymond Picourt est un ami de Mme Trenoy, femme âgée qui a une fille : Mme Colette Orsini. Raymond Trenoy était titulaire avant-guerre de l’exploitation du Buffet de la gare de Chartres, établissement qui, logiquement, est transféré à sa fille et à son gendre F.Orsini.

Colette Orsini est mariée à un corse en poste à la gare de Chartres, lieu stratégique pour les renseignements et l’observation des passages de soldats.

C’est une belle femme de 38 ans aux cheveux roux que les aviateurs anglo-saxons appelleront « la fille aux cheveux rouges ».

Le 16 août 1943, Picourt cache chez lui des aviateurs : le sergent Timothee Hay et le lieutenant Léonard Fink abattu le 26 juin 1943.

Il ne se méfie pas et dévoile ses activités clandestines à Mme Trenoy et à sa fille, laquelle connaît Charles Porte, le commissaire de police chartrain qui fût proche de Jean Moulin, et qui est actif dans la résistance. Porte a pris la clandestinité après la menace de son arrestation dévoilée par Le Baube, Préfet collaborateur de Chartres. Cela ne lui empêche pas de revenir à Chartres prendre en charge Hay et l’emmener à Paris. Quant à Colette Orsini, elle se charge de Fink et prend le train pour Paris. Ils regagneront l’Angleterre en passant par l’Espagne et Gibraltar.

Le 7 janvier 1944, nouveau crash près d’Orgères en Beauce et 6 aviateurs sont à secourir mais Porte a été arrêté à Paris et Colette Orsini est introuvable. R. Picourt se charge donc seul de les convoyer vers Paris et les remet à la filière précédente avec comme destination Gibraltar. Ils ne passeront pas les Pyrénées et plusieurs périront en montagne, les autres étant capturés.

En février, ce sont deux aviateurs en provenance de Belgique qui arrivent chez Picourt et sont cachés dans l’appartement tout un mois.

En avril, nouvel arrivage de 3 aviateurs répartis dans des planques autour de Chartres mais l’un d’eux, impatient, décida de partir seul à vélo pour rejoindre l’Espagne !

En mai 1944 c’est Raymond Vauvilliers qui vint solliciter la filière de Picourt pour évacuer James E. Fields, aviateur tombé le 27 mars 44 à Ecrosnes et caché depuis un mois par le boucher.

  Monsieur et Madame Vauvilliers, Bouchers de St Piat

Déclaration de Raymond Picourt, révélée après-guerre par William son fils adoptif :

« Mme Trénoy était morte et sa fille Mme Orsini habite à Chartres avec son mari, gardant l’hôtel Buffet. Je suis allé voir Mme Orsini et lui demande de m’aider (j’avais gardé 15 jours à Chartres 3 aviateurs alliés, je les emmène chez M. Leclerc à Orléans, la maison ayant été bombardée, j’étais sans contact), mais elle n’avait plus d’intermédiaire, M.  PORTE avait été arrêté. Je suis allé à Paris avec elle, nous sommes allés dans une famille d’enseignants, spécialisés dans la prise en charge des Polonais et des Lorrains-Alsaciens qui avaient désertés l’armée allemande, ils les faisaient traverser la frontière pyrénéenne. Par ces gens, Mme Orsini fit la connaissance d’un ingénieur nommé Henri qui travaille dans un bureau de la rue de Madrid à Paris.

Il mit Mme Orsini en contact à un certain Jean-Jacques qui parle avec un accent belge. Quand je reçois des aviateurs, il vient de Paris avec sa voiture. Au cours de ce dernier mois nous avons rassemblés beaucoup d’aviateurs, Mme Orsini et Jean-Jacques sont retournés à Paris avec les garçons. Je fais tout à fait confiance à Jean-Jacques et lui fait connaître mes collaborateurs : M. Vauvilliers, boucher à St Piat, Mlle Foreau mon employée, Mr Lecureur, meunier à Orgères, et son équipe. Depuis le début du mois de juillet, Mme Orsini est toujours avec cet homme, je pense qu’elle est tombée amoureuse de lui. Elle a déserté sa maison à Chartres pour Paris au 7 rue Batignolles laissant son mari seul à Chartres pour veiller sur l’Hôtel Buffet. Mr Orsini très en colère soupçonne une liaison avec Jean-Jacques, il menace de la tuer avec un couteau de cuisine, quelques semaines après j’ai vu Mme Orsini avec un magnifique bracelet en or imitant la chenille d’un char »

Ce couple d’enseignants parisiens est membre de la ligne d’évasion Comète qui a été infiltrée par la Gestapo dont Jean Jacques Desoubrie est l’agent le plus efficace. Le nommé Henri a été arrêté rue de Madrid à Paris avec Soguet le 20 mai 1944. Dans le carnet d’Henri, la Gestapo trouve le nom d’Orsini et va mettre en place le piège. Henri est relâché sous la condition de travailler pour la Gestapo et la rencontre avec Colette Orsini est propice pour lui présenter Jean Jacques Desoubrie qui infiltre ainsi le réseau Picourt.

Desoubrie est présenté à Picourt par Orsini et le collectage des aviateurs tombés débute dès le lendemain avec la remise de Lee Johnson et James Laing entre les mains de l’agent allemand.

La filière d’exfiltration s’organise avec des voyages réguliers du couple Jean Jacques-Orsini entre Chartres et Paris pour les aviateurs récupérés par Picourt. Ce dernier veut simplifier les contacts et les déplacements et il prend la lourde décision de présenter Desoubrie à ses collaborateurs : Melle Foreau, le fermier Lécureur à Orgères, et surtout le couple Vauvilliers de St Piat. Ainsi, les aviateurs récupérés par Vauvilliers ne transiteront plus par Chartres et seront remis directement à Desoubrie.

Entre juin et juillet 44, ce sont plus de 50 aviateurs qui sont passés par cette filière du « réseau Picourt ».

Cependant, l’objectif principal des Allemands, s’il est bien atteint avec ces dizaines d’arrestations favorisées par la trahison et le rôle de Desoubrie, n’est pas le seul. Trouver d’autres réseaux de récupération et tenter de les infiltrer également figure à l’agenda du traitre. Aussi, il va solliciter Vauvilliers pour obtenir ses contacts personnels afin d’alléger leur travail commun qui nécessite beaucoup de contacts et de temps alors que le nombre d’aviateurs tombés augmente considérablement.

C’est ainsi que Desoubrie est présenté à Guy Moreau, instituteur d’Illiers l’Evèque, membre du groupe de résistants de Dreux sous la direction de Pierre July et chargé de récupérer des aviateurs dans les premières planques obtenues de suite après les crashes.

 Geneviève Desnos au Verger de Muzy

 Madame Orial, secondée par Geneviève Desnos constitue une plaque tournante de cette filière primaire Ces aviateurs proviennent surtout des récupérations effectuées dans l’Eure voisine où de nombreux appareils sont abattus par la Flak. Le réseau de Nonancourt fonctionne à plein autour de Madame Orial qui habite une ferme au Verger commune de Muzy (voir sa fiche : Résistante individuelle) et qui pose en photographie avec Stanley Booker pilote du MZ 530 (voir note : lieux symboliques -récupération des aviateurs).   

        Madame Orial et S.Booker

 Moreau va présenter Desoubrie à Pierre July, l’un des chefs de la résistance départementale. Pour le traître, la perspective d’atteindre d’autres chefs se dessine favorablement.

De nombreux aviateurs anglo-saxons sont passés par Muzy avant d’être déplacés vers d’autres cachettes en utilisant l’impressionnant réseau de Hunter-Nord autour de Nonancourt (voir fiche lieux symboliques-récupération des aviateurs).

Désormais Guy Moreau devient le chauffeur qui récupère régulièrement les aviateurs du Sud de l’Eure et qui les remets à Desoubrie pour être conduits à la Villa d’Auteuil à Paris. Il ignore qu’ensuite, Desoubrie et ses agents les transfèrent Rue des Saussaies à la Gestapo avant d’être déportés à Buchenwald ou Mauthausen.

Interrogé après la libération de l’Eure et Loir, Guy Moreau révèlera son parcours aux officiers enquêteurs français :

[Le 6 juin 44 au matin, j’étais à Paris que j’ai quitté l’après-midi pour Orgerus où je couchais. Le lendemain 7 juin j’étais à Dreux que j’ai rejoint à pied. Je suis reparti à Orgerus deux jours après pour chercher une mallette chez le pharmacien où j’ai appris qu’à Montfort [l’Amaury ?] il y avait des parachutistes américains logés chez une dame depuis un certain temps et qu’il fallait déplacer dans un lieu plus sûr.

Je me suis découvert et j’ai pris sur moi de les conduire à Dreux où l’organisation arriverait à les cacher ou les rapatrier. Le parcours s’effectua à bicyclette sans histoire. 2 autres américains étaient blessés et brulés et ne pouvaient être transportés.]

Ces aviateurs sont remis par Moreau à Madame Orial à Muzy où ils retrouvent d’autres américains : John Osselton et Stanley Booker du MZ 530, abattu dans la nuit du 2 au 3 juin 44. Ils resteront à Muzy jusqu’au 23 juin où une voiture viendra les récupérer. Il s’agit de la traction 11 aux roues jaunes qui est conduite par Desoubrie et qui les dirige vers la Gestapo à Paris.

[Au début de juillet, je fus envoyé un samedi après-midi chez le boucher de St Piat, Mr Vauvilliers, qui recevait assez souvent la visite d’individus chargés de rapatrier par autos et avions, les parachutistes en Angleterre. Je suis rentré le soir à 11 heures à Dreux. Chez moi, j’ai appris qu’une Citroën noire 15 CV était venue pour me voir. Je l’ai su par la suite, l’auto était passée chez Vauvilliers qui les avaient prévenus tout de suite et ils étaient arrivés aussitôt à Dreux. L’auto comprenait 4 occupants.

Le lendemain vers 7 heures arrive chez moi un individu accompagné de Madame Bergeron chez qui était passée en ville hier soir. L’individu parlait avec un accent belge très prononcé.

Je le conduisis à l’endroit « Les vieilles ventes », un petit village situé dans l’Eure. On prit 4 parachutistes, tous américains, parmi eux il y avait un mulâtre. L’auto repassa par Dreux et prit ensuite la direction de Paris.]

L’instituteur Moreau indique dans ce témoignage que Madame Bergeron, l’épouse d’un adjoint de Pierre July (et qui fera sauter le viaduc de Cherisy le 18 juillet 44 avec Farjon et Dablin), est connue, ainsi que son domicile, de Desoubrie qui a obtenu ce renseignement de Vauvilliers.

 Francis Dablin (Mathurin)

Début juillet 1944, Desoubrie connait donc la direction du groupe de résistance de Dreux : July, Vauvilliers, Bergeron, Moreau, Orial et pourrait réaliser un coup de filet mais l’objectif prioritaire pour les Allemands n’est pas celui-là. Au contraire, il faut laisser fonctionner ces filières pour récupérer en quantité les aviateurs tombés et désormais regroupés par les filières Picourt et Hunter-Nord pour les remettre directement entre les services de la Gestapo. Habillés en civil par les résistants, disposant parfois de faux papiers, ils ne seront pas transférés en stalags ou oflags mais en camps de déportation comme les résistants français. Göring décidera d’ailleurs de les faire transférer au camp de Sagan Luft III par décision corporatiste de limiter les contraintes carcérales à des aviateurs servant dans la même arme que lui-même. Beaucoup d’autres périront dans les camps de Buchenwald ou Mauthausen.

Dans ces trajets de récupération, Desoubrie est accompagné de Colette Orsini qui a quitté sa maison de Chartres et son mari pour son appartement de Paris 17 ème, au 7 rue des Batignolles. Elle s’est mise en ménage avec Desoubrie et partage sa vie en méconnaissant totalement ses activités d’agent allemand infiltré.

Moreau poursuit : [Jean Jacques venait à Dreux à un endroit convenu, m’y trouvait l’attendant, puis nous allions chercher les parachutistes que j’avais rassemblé à divers endroits.] Il signale aussi que dans la région de Châteauneuf en Thimerais une rafle avait détruit une autre organisation de rapatriement des aviateurs anglo-saxons sans plus de précision. Cette information aurait été recueillie lors d’un parachutage en juillet 44, probablement celui du 20 juillet sur le terrain de La Pommeraie (commune de la Saucelle).

Moreau indique que [« vers le milieu de juillet une impression fugitive m’a traversé l’esprit à la suite d’une réflexion de July qui me rapportait une conversation qu’il avait eu avec Sinclair (le chef départemental). Ce dernier avait dit à July : « Etes-vous bien sûr que tous les parachutistes arrivent en Angleterre ? ». J’ai réfléchi et l’esprit troublé me suis demandé comment Jean Jacques obtenait encore les autorisations de circuler et de l’essence. »].

Moreau ne va pas plus loin dans son interrogation et considère que le marché noir pourrait bien subvenir aux besoins de Jean Jacques à qui il ne posera aucune question sur le sujet. Il décide toutefois d’aller, pour la première fois, à Paris pour voir un ami de son père qui aurait pu le renseigner sur les agents de contre-espionnage et leurs pratiques. Il prévient Jean Jacques de son déplacement en lui cachant l’objet de sa démarche, prétextant des contacts pour des questions de nourriture et de vêtements à récupérer. Moreau s’interroge donc mais ses activités prennent de plus d’ampleur et ne lui laisse pas le temps d’approfondir sa réflexion.

Les évènements s’accélèrent dans le nord de l’Eure et Loir et, bien que les activités de Desoubrie-Moreau-Orsini soient indépendantes des actions de la résistance sur le terrain, le commandement allemand décide d’agir fermement après la destruction le 18 juillet 44 du viaduc de Cherisy par les résistants drouais dont Pierre July.

Questions :

  1. Desoubrie participe-t-il à cette opération de nettoyage au détriment de sa mission principale ?
  2. Les Allemands ont-ils décidé de détruire la résistance après Cherisy en utilisant toutes les informations recueillies depuis des mois sur son activité ?

Toujours est-il que les masques vont tomber dans son équipe de récupération d’aviateurs.

Guy Moreau relate ce changement radical de Desoubrie de même qu’une voisine parisienne de l’appartement de Colette Orsini qui a été témoin des faits ayant conduit Desoubrie à jeter le masque.

Moreau raconte qu’il a fait un dernier voyage avec Orsini du côté de L’Aigle (Orne) pour récupérer un nommé Bedford aviateur américain de 22 ans le 21 juillet 1944.

[Nous sommes arrivés à 10 heures du soir rue des Batignolles et nous avons montés 4 étages et sommes entrés dans un appartement que j’appris être celui de Madame Orsini, moi, le lieutenant et Madame Orsini. Jean Jacques était parti faire une course. Nous dinons, une heure se passe, puis un coup de téléphone, Mme Orsini répond. Au bout d’un moment, la sonnette de la porte retentit et Madame Orsini est allé ouvrir. J’entends des murmures puis aussitôt j’entends crier « police allemande » puis « German police ». Deux individus à chapeau mous et en civils brandissent chacun un revolver à barillet.]

Guy Moreau raconte encore qu’il reconnait l’un des deux hommes car il faisait partie de l’équipage qui ramenait l’aviateur américain de L’Aigle. Il croit à une « bonne blague » mais Jean Jacques arrive dans la pièce et lui donne une forte claque dans le dos, le forçant à lever les bras. Il est menotté avec le lieutenant américain quand Madame Orsini apparait à son tour en peignoir, visiblement émue et gênée « ne parlant pas, ne me regardant pas ».

Conduits à la Gestapo rue des Saussaies, les deux prisonniers subissent des interrogatoires puis Moreau et Jean Jacques prennent la route de Chartres. Moreau est emprisonné rue des Lisses le 22 juillet 1944.

A Paris, un des gardes est resté avec Madame Orsini chez elle.

Selon le témoignage de Madame Dumortier, voisine et proche de Colette Orsini -elle connait aussi Monsieur Orsini- l’instituteur Moreau se serait vanté antérieurement auprès de Desoubrie d’avoir fait sauter « le pont de Cherisy et des camions chargés de soldats allemands ». Toujours selon ce témoignage daté du 2 septembre 1944, c’est-à-dire quelques jours seulement après les faits rapportés, Desoubrie avait refusé d’emmener Moreau en voiture à Paris et avait disparu quelques jours. De retour avec Colette Orsini, ils allèrent chercher l’aviateur repéré par Moreau et tous se retrouvèrent, non pas à la Villa d’Auteuil mais chez Madame Orsini à qui Desoubrie demanda de préparer un repas pour diner avant de s’absenter de nouveau.

Madame Dumortier : « Ils en étaient au fromage quand ils entendirent que l’on frappait à la porte, c’était Jean Jacques qui revenait mais il n’était pas seul, deux messieurs l’accompagnaient : il pria Madame Orsini de se retirer dans sa chambre en disant « Marie Antoinette retirez-vous ! ». Madame Orsini protesta disant qu’elle n’admettait pas qu’on lui parle sur ce ton. Il la prit brutalement par le bras et la força à entrer dans sa chambre. »

Colette Orsini écoute derrière la porte et entend : Hauts les mains police allemande.

Puis Moreau s’écrie : mais c’est une plaisanterie.

Desoubrie répond : vous avez pris la Gestapo pour des cons

Madame Dumortier ajoute : « Monsieur Moreau se trouva presque mal et Jean Jacques lui dit : quand on fait sauter des ponts et des camions, on ne se trouve pas mal. Il arrêta Moreau et l’aviateur et fit subir un interrogatoire à Moreau »

« Moreau a avoué et donna le nom de ses chefs. »

« Moreau s’inquiéta du sort de madame Orsini en disant qu’allez-vous faire de cette dame. Jean Jacques lui répondit : cette dame ça fait deux mois que nous nous sommes joués d’elle comme nous nous sommes joués de vous et elle va être arrêtée comme vous. »

La témoin continue avec des détails qui supposent qu’elle écoute à l’extérieur du logement ce qui s’y dit. Après avoir conduit Moreau et l’aviateur rue des Saussaies et laisser Colette Orsini sous la garde d’un inspecteur, Desoubrie revient à l’appartement de la rue des Batignolles et « il commanda à Madame Orsini de prendre un peu de linge et il [va] téléphoner. Profitant de cet instant, Madame Orsini a voulu s’enfuir soit en montant chez moi soit descendre dans la rue. A ce moment Jean Jacques a tiré un coup de révolver sur Madame Orsini, il l’a ramassée, mise sur le lit, téléphoné pour avoir un docteur allemand qui la jugea intransportable : c’est une question de quelques heures disait-il.

Le lendemain, je descendis chez Madame Orsini c’est Jean Jacques qui vint m’ouvrir, il m’a dit que Madame Orsini était très malade, le docteur recommandait un repos absolu et qu’il ne fallait pas la déranger. »

Desoubrie donne des nouvelles à cette voisine à plusieurs reprises et indique qu’elle avait été transférée dans un hôpital allemand de Garches, rue Henri Poincaré près de la gare.

Madame Dumortier reçoit le 12 aout une lettre de Colette Orsini qui lui demande de venir la voir rapidement.

« Je me suis rendu à l’hôpital où j’ai trouvé Madame Orsini méconnaissable. Elle m’a tout raconté me demandant de la sortir de là. Elle ajouta que Jean Jacques avait proposé à son mari Monsieur Orsini de l’emmener en camion à la Roche Posay pour suivre son traitement. Au lieu de cela, il le fit arrêter et transporter à Fresnes. Je reçus moi-même une lettre de Fresnes, je reconnus l’écriture de Monsieur Orsini et intriguée, je la remis à Jean Jacques pour qu’il la remette à Madame Orsini. Je reçus quelques jours après une autre lettre de Monsieur Orsini datée de Compiègne que j’ouvris cette fois. Elle portait simplement ces mots : Orsini-linge-toilette-tabac. »

Desoubrie revint voir la blessée et apprend d’elle la visite de la voisine ce qui le fait entrer en colère.  « Madame Orsini le supplie de la laisser partir et de ne rien faire contre Picourt, Vauvilliers et un fermier. Jean Jacques promit, il ne voulait point laisser partir Madame Orsini…il donna finalement l’autorisation de la laisser sortir de l’hôpital. J’ai donc ramené moi-même Madame Orsini dans une clinique de Neuilly où il a fallu l’opérer aussitôt ».

A la libération, un parent de Colette Orsini, arrivé avec la division Leclerc, est informé de ces péripéties et lui recommande de prévenir Picourt mais probablement du fait de son état de santé, c’est Madame X qui vient à Chartres dans ce but le 2 septembre 1944 et y dépose son témoignage.

Selon ce témoin : Moreau a révélé les noms et le réseau à Desoubrie le 21 ou le 22 juillet. Son chef Pierre July est donc découvert. Il sera arrêté le 24 à Dreux.

Cet épisode de l’infiltration allemande dans la résistance autour de Dreux avec Moreau et July, Crucey avec Leroïc en passant par Chartres avec Picourt et St Piat avec Vauvilliers aurait pu détruire toute la résistance du Nord de l’Eure et Loir si l’arrivée des Américains le 15 aout 44 n’avait bloqué les arrestations à venir.

Car Raymond Picourt est en contact avec Jules Divers et son important groupe de résistants autour de Châteauneuf et Maintenon et que, de plus, Yvonne Leroïc connait Jules Vauchey, le chef du maquis de Crucey, avec lequel elle est en ménage ainsi que Sinclair et Silvia Montfort, les dirigeants du département.

Au-delà, la piste de Crucey, de SINCLAIR et de tous les groupes d’Eure et Loir est ouverte pour cet agent particulièrement redoutable.

La pharmacie de Picourt ayant reçu des bombes lors du bombardement de Chartres le 30 juin 44, le pharmacien s’est réfugié à Barjouville qu’il quittera précipitamment pour Villebon quand il apprendra la trahison de Desoubrie.

Mais son épouse est toujours à Barjouville où elle voit arriver Desoubrie et plusieurs hommes tassés dans sa Citroën, le 8 aout 44. Ignorant la trahison elle lui communique l’adresse du refuge de James Bozarth aviateur tombé à Lèves le 1er aout. Il y a aussi plusieurs aviateurs cachés à Villebon avec Raymond Picourt mais Desoubrie n’aura pas le temps d’aller les chercher.

En effet, le 26 juillet 1944, six aviateurs sont tombés, dans un crash vers Orgères en Beauce et un vers le Gault Saint Denis. John K F Mac Donald, Bernard R Justason, et William Calderwood sont conduits par R. Picourt à Villebon où ils resteront jusqu’à l’arrivée des Américains.

Les 3 autres : Harold Kemley, Maurice Grimsey, Harry Chamberlain, sont cachés chez un cantonnier près de Villampuy où ils retrouvent d’autres aviateurs : Campbell, Lyons, Donaldson et Jones. Tous seront acheminés vers Fréteval le camp secret créé par la résistance dans le bois de Bellande, Chamberlain les rejoignant fin juillet et y seront délivrés par l’arrivée des soldats US.

Finalement seul Bozarth sera capturé par la Gestapo de Paris où il est conduit par le traitre. Déporté à Buchenwald et libéré en 1945, il sera l’un des témoins révélant l’ampleur de la trahison de Desoubrie.

En juin et juillet 1944, au moins 150 aviateurs tombés en Eure et Loir sur 168, passent par Orsini et Desoubrie. Ces aviateurs seront conduits à Paris rue des Saussaies au siège de la Gestapo, puis à Fresnes avant d’être déportés à Buchenwald sous la condamnation de saboteurs, ayant été pris en vêtements civils. Transférés au Stalag Luft III à Sagan en Allemagne le 19 octobre 1944, deux aviateurs y laisseront leur vie (Lewet Beck et Hemmens) sur les 51 convoyés par DESOUBRIE en provenance du réseau Picourt.

Desoubrie récupérera aussi 33 autres aviateurs chez le couple Vauvilliers et des dizaines d’autres tombés dans le nord du département et dans l’Eure voisine après leur récupération par les maquis de l’Eure, de Crucey ou de Dreux. A chaque livraison, un « dédommagement » attend Desoubrie à la Gestapo.

Raymond Vauvilliers et sa femme, les bouchers de Saint Piat, véritables figures de la résistance d’Eure et Loir semblent être les pivots contre leur gré de l’opération des services de renseignements allemands qui conduiront à la destruction des maquis de Dreux et Crucey avant d’attaquer en août celui de La Ferté Vidame.

Raymond Picourt, l’agent secret de De Gaulle à Chartres s’est fourvoyé dans les contacts avec Henry rescapé du réseau Comète après son démantèlement.

Il avait débuté dans le renseignement et l’espionnage au travers du groupe Sussex. Lorsqu’il est contacté le 15 août 1943 par le Mouvement de Libération Nationale (MLN proche de Combat), c’est au titre d’agent de renseignements.

Mais, 3 jours après ce contact et rompant avec le cloisonnement exigé, Raymond Picourt recueille son premier parachutiste anglais. D’autres, beaucoup d’autres suivront, adressés par des résistants, comme M. Lecureur, minotier à Orgères qui lui en adresse huit par petits groupes. Un total de quatre-vingt aviateurs est attribué à cette récupération dont cinquante et un passeront par l’appartement privé de Raymond Picourt.

Parmi eux on relève :

     

Lewis Beck                                                                    

 John D. Harvie 

  

 James Bozarth

La préparatrice de Raymond Picourt, Mlle Foreau cachera aussi des parachutistes chez elle à Lèves comme le pilote tombé à côté de Lucé le 28 mai 1944.

Cet afflux de pilotes et aviateurs dans le réseau Picourt intéresse la Gestapo et l’infiltration de Desoubrie, facilitée par les faiblesses des règles de sécurité du « réseau Picourt » vont porter ses fruits amers.

Ainsi, de contact en contact Desoubrie remontait toutes les filières de récupération des aviateurs mis à part celle de Fréteval.

Le bilan est énorme, des centaines de pilotes, de radios et de navigateurs si précieux pour les alliés passèrent par les griffes de la Gestapo avant d’aboutir dans les camps de concentration.

Les services de renseignements possèdent aussi par le truchement des contacts de Desoubrie avec les maquis, une idée précise des forces des « terroristes ».. Les réseaux de récupération infiltrés seront détruits progressivement dès le débarquement car à cette date les alliés ne récupèrent plus leurs aviateurs ; ils sont dirigés sur le camp clandestin de Fréteval et restent en France en attendant les libérateurs.

Les maquis de Dreux et Crucey vont disparaître dans leur forme du début de la résistance. L’équipe de Crucey pourra tout de même continuer le combat en changeant une nouvelle fois d’abri dans les bois de Prudemanche cette fois.

Finalement Jacques Desoubrie est arrêté à Augsbourg en Allemagne le 10 mars 1947, transféré et jugé en France.

 Photo presse prise à son procès de Paris

Condamné à mort par le tribunal à Paris, il est fusillé le 20 décembre 1949 dans les fossés du fort de Montrouge en criant « Heil Hitler ». Quant à Orsini, elle passera au travers de la justice et bénéficiera d’un acquittement en mai 1946.

Les aviateurs et “hébergeurs” du Réseau HUNTER

Voici une liste (incomplète) des aviateurs alliés secourus et les noms de leurs “sauveteurs”. Chaque aviateur était déplacé régulièrement d’une maison à une autre, d’un village à un autre pour brouiller les pistes. Ainsi, figure les noms des résistants ayant recueilli les aviateurs avec la date de leurs interventions.

Aviateur secouruDateHébergeursObservations
Aviateur non identifié (USA) Lt Ralph BRUCE?06.09.1943 06.09.1943 Sept 1943  M. CARON (St-Germain-S/Avre) M. LUCAS (St-Germain-S/Avre) Mme VERRIAT (Courbevoie-92)92nd BG, 407st BS Crash le 03 Septembre 1943 Vers Saint-André-de-l’Eure
Clitfon TUCKER (RAAF)05.02.1944 05.02.1944 Février 1944F. MARECHAL (Mesnil S/Estrée) Palmyre MARTIN (Mesnil S/Estrée) André VIGOUREUX (Illiers-l’Evèque)175 Squadron Crash le 05.02.1944 à Mesnil S/Estrée Prisonnier
Donald LEWIS (USA, 2ème Lt)05 Avril 1944 Avril 1944 Avril 1944 Avril 1944 ? 10/13.04.1944   Juillet 1944  Marcel FOUCHET (Marcilly) Emile LACOIX (Marcilly) Dr DAUPHIN (Nonancourt) Léon TROSSEAU (Nonancourt) M. ESQUERRE (Nonancourt) André PEMMERS (La Madeleine) Filière  “CRUCEY” Docteur DUFOUR363th FG, 382th FS Crash le 05 Avril 1944 au Nord de Dreux Grièvement brûlé. Evadé camp de Frèteval
HOURRIGAN Edward (RAAF)Fin Avril 1944 Mai 1944 20.05/17.06   Juillet 1944  M. SIMON (Nonancourt) LE LEDAN (Nonancourt) Roland DABLAN (Breux) Filière “CRUCEY” Docteur DUFOUR466 Squadron Crash du 06/07 Mai 1944 à Mantes-à-Jolies Evadé camp de Frèteval
DICKENS Jack (RAF)Fin Avril 1944 Mai 1944 20.05/17.06   Juillet 1944  M. SIMON (Nonancourt) LE LEDAN (Nonancourt) Roland DABLAN (Breux) Filière « CRUCEY » Docteur DUFOUR466 Squadron Crash du 06/07 Mai 1944 à Mantes-à-Jolies Evadé camp de Frèteval
BOOKER Stanley (RAF, F/O)Début Juin 44 06/15 Juin 1944 Juin 1944 Juin 1944 15 Juin  Mme LEFEVRE (St-George-Motel) Mme ORIAL (BUZY) Palmyre MARTIN (Le Mesnil S/Estrée) Marcelle SEGUI (Le Mesnil S/Estrée) Julienne DUVAL (Estrée) Réseau PICOURT10 Squadron Crash le 02/03 Juin 1944 à Saint-André-de-l’Eure Prisonnier
OSSELTON John (RAF, Sgt)06/15 Juin 1944 Juin 1944 Juin 1944 15 Juin 1944  Mme ORIAL (MUZY) Palmyre MARTIN (Le Mesnil S/Estrée) Marcelle SEGUI (Le Mesnil S/Estrée) Julienne DUVAL (Estrée) Réseau PICOURT10 Squadron Crash le 02/03 Juin 1944 à Saint-André-de-l’Eure Prisonnier
Terry GOULD (RAF, Sgt)  06/10 Juin 1944  Maurice PORCHET (Jersey) M. GUICHEUX (Lignerolles) Jean-Jacques DESOUBRIE?10 Squadron Crash le 02/03 Juin 1944 Vers Saint-André-de-l’Eure Prisonnier
HALLET Clifford (RAF)02/14 Juin 1944 14 Juin 1944   Juillet 1944  Elie THOROSON (La Madeleine) ESQUERRE (Nonancourt) Filière “CRUCEY” Docteur DUFOUR10 Squadron Crash le 02/03 Juin 1944 Vers St-André-de-l’Eure Evadé camp de Frèteval
      
Goffred. F. MORETTO (USA, 2ème Lt)12/15. 06.1944 15.06.1944 Juin 1944 Eté 1944   11.07 au 06.08 6/14.08.1944M. et Mme HUCHER (Moisville) M. GOIMBAULT (Moisville) Dr DAUPHIN (Nonancourt) Léon TROSSEAU (Nonancourt) M. GOIMBAULT (Moisville) Georges DESMARRES (Moisville) M. André JAFFREUX353th FG, 350th FS Crash le 12 Juin 1944 au Nord de Nonancourt Evacué sur CRUCEY.  Evadé
Donald SHAEREN (USA)Juillet 1944 5 jours  André VIGOUREUX (Illiers-l’Evêque) Mme ORIAL (MUZY) Jean-Jacques DESOUBRIE391st BG, 573rd BS Crash le 05 Juillet 1944 Vers Dreux
Robert WARD (USA)08 Juillet 1944 Juillet 1944 Juillet 1944 Juillet 1944 Juillet 1944        R. PICHONNAT (Courdemanche) Robert BIC (St-Germain) Henri MARVIN (Mesnil S/Estrée) Marcel LEMAIRE Pierre LUCAS (St-Germain-S/Avre) Palmyre MARTIN (Mesnil-S/Estrée) Marcelle SEGUI (Mesnil-S/Estrée) Mme ORIAL (MUZY) Jean Jacques DESOUBRIE91st BG,323rd BS Crash le 08 Juillet 1944 Vers St-André-de-l’Eure Prisonnier
      
Bernard SCHARPF (USA)Juillet 1944 Juillet 1944 Juillet 1944  Pierre ASSELIN (Marcilly) Julien LACROIX (Marcilly) Peut-être Mme ORIAL (MUZY) Peut-être DESOUBRIE91st BG, 323th BS Crash le 08 Juillet 1944 aux Env. de Nonancourt Prisonnier
James FORE (USA)08 Juillet 1944 Juillet 1944 Juillet 1944  Léopold DUVAL (Courdemanche) Henri DUVAL (Lignerolles) Groupe LACROIX (Marcilly S/Eure)91st BG, 323th BS Crash le 08 Juillet 1944 aux Env. de Nonancourt Prisonnier  
 Donald F. BRIDWELL (USA)  11.07/06.08.44 6/14.08.1944  GOIMBAULT (Moisville) Georges DESMARRES (Moisville) André JAFFREUX Réseau de CRUCEY91st BG, 323rd BS Crash le 08.07.1944 aux env. de Nonancourt
William Othuis MURPHY (USA)08 Juillet 1944 08/10.07.1944 10.07/13.08Joseph PERROT (Nonancourt) Jean BRIDOUX (Nonancourt) Georges MARRE (St-Lubin-des-J.)801th BG Evadé à la Libération
Jack POSTLEMAITRE (RAF)Juin 1944Mme LEFEVRE (St-George-Motel)  Non Identifié  
Georges SCOTT (USA)07 Juin 1944 Juin 1944  Mme ORIAL (MUZY) Mme LEFEVRE (St-George-Motel) Réseau PICOURTNon identifié Prisonnier
MARTIN James (USA)07 Juin 1944 08/16.06.1944  Mme ORIAL (MUZY) Marcelle SEGUI (Le Mesnil S/Estrée)  Non identifié
Robert CLARK (USA)Fin Juillet 1944  Mme ORIAL (MUZY)  Non Identifié
Jack DAVIS (USA, Capitaine) M. ESQUERRE (Nonancourt)Non identifié Capt William DAVIS?

Sources :

(Site : Forced Landing

La résistance en Eure et Loir. Albert HUDE, Ed. le petit Pavé

La traque des résistants. Fabrice GRENARD, Ed Tallandier

Témoignages : Moreau, Dumortier communiqués par JP Curato sources britanniques

Photos famille Hauttaire-Desnos

Site : association-cedrel.fr

La Chance. William Picourt, St Honoré Ed.

Photo J.Bozarth. Pierre Doublet Léves. Archives Cedrel.

Archives de Bernard Guinguier)

 Desoubrie à la prison de Lille. 1947

Voyons maintenant dans le détail les opérations de destruction allemandes dans les groupes du Nord de l’Eure et Loir.

Les conséquences de la traitrise sur les maquis

L’activisme dont fait preuve Desoubrie aura aussi des conséquences sur la répression menée par les Allemands sur les organisations clandestines elles-mêmes.

Bien qu’il soit délicat de tirer des analyses définitives sur les dégâts subis par la Résistance du fait des infiltrations, un certain nombre de faits et de dates permettent de repérer une activité allemande souterraine en direction des maquis.

Certes, il est difficile de décrire les liens de subordinations des unités allemandes entre elles : Wehrmacht, SS, Territoriaux, Abwehr, Gestapo, Kommandanturs, police militaire, et unités de passage.

Dans les témoignages de l’époque, on cite « les Allemands » ou « la Gestapo » sans beaucoup de précision sur le sujet à propos de l‘intervention de forces allemandes sur un parachutage, un combat ou une perquisition.

Toutefois il apparait très crédible l’existence d’une organisation tendant à infiltrer la résistance avec divers objectifs : parachutages d’armes, arrestation d’aviateurs mais aussi connaissance des groupes et de leur structuration.

Le premier signe de cette opération de destruction apparait le 9 juillet 1944 avec l’arrestation du Docteur Dauphin de Nonancourt, un des responsables du réseau de récupération des aviateurs tombés dans l’Eure. Transféré à Evreux où il est interrogé sur ses activités, il ne sera libéré que par l’arrivée des Américains à la mi-août.

Pour ce qui concerne les groupes de résistants du Nord de l’Eure et Loir et, indépendamment du rôle de Roland Farjon, on constate une succession de dates et de faits qui tend à prouver l’existence d’une vaste opération de démantèlement menée par des spécialistes allemands du renseignement.

18 juillet 1944

Il faut partir du 18 juillet 1944 à Cherisy à coté de Dreux.

Ce soir-là, un commando comprenant les Dablin père et fils, Bergeron (groupe de Dreux), Montet (artificier de Crucey), le Hollandais (agent SOE parachuté) et Farjon (chef de la zone nord de l’Eure et Loir) déposent 80 kg d’explosifs sous les piles du viaduc de Cherisy qui explose à 3 heures du matin.

Avec cet attentat, il ne s’agit plus de combats nocturnes contre des convois ennemis dont les bilans sont tout de même limités, mais d’une attaque au cœur même du dispositif allemand qui alimente le front de Normandie avec cette ligne de chemin de fer cruciale pour l’approvisionnement.

Cette attaque a suscité l’intérêt des Alliés jusqu’à Eisenhower qui délivrera un message de félicitations aux résistants euréliens.

Côté allemand, la destruction par un commando local montre la nécessité d’une féroce répression et les services de renseignements peuvent fournir les éléments pour arrêter ces groupes qui ont réussi l’exploit que 14 bombardements alliés n’avaient pu voir aboutir. De plus, le même jour la résistance a fait sauter une tour de communications en forêt de la Ferté Vidame à l’autre bout du département.

C’est l’œuvre, cette fois, du maquis de la Ferté Vidame. Attaqué sur des voies de communications cruciales la Wehrmacht doit réagir.

Parallèlement à la préparation d’une vaste opération de démantèlement, les agents infiltrés continuent leurs missions de renseignement.

20 juillet

Sur le terrain de parachutage de la Pommeraie (Commune de la Saucelle) une bonne centaine de résistants de différents groupes sont en attente d’un parachutage de nuit. Il y a là tous les cadres de la résistance liée à Libération Nord :

Sinclair (Maurice Clavel) le chef départemental et sa secrétaire Silvia Montfort

Jules Divers chef du groupe important de Clévilliers

Claude (Pierre July) et son groupe de Dreux

Anatole (Joseph Le Noc) et le maquis de la Ferté Vidame,

Jules Vauchey et le maquis de Crucey-Brezolles

Jourdan (Marcel Confais) et le maquis de Saulnières

Victor (Jérôme Lévèque) groupe de Lhome-Chamondot

Duvivier (René Dufour) directeur départemental des vétérinaires

Le capitaine Pierre (Gérard Dedieu) agent du SOE parachuté

Tout ce monde s’agite pour baliser le terrain et recevoir les armes qui arrivent dans les lourds containers largués par 4 avions.

Pour la première fois la communication avec l’avion peut s’effectuer grâce à un appareil spécial livré antérieurement (système Euréka). Cela permet une approche précise de nuit pour éviter la dispersion des chargements et l’accrochage des parachutes dans les arbres.

C’est ainsi que, dans les conversations d’approche, les résistants apprennent du pilote l’attentat perpétré contre Hitler la veille.

Mais il y a deux jeunes hommes que personne ne connait et qui s’intéressent de près à l’Euréka sans être remarqués, sauf par Jules Divers qui les surveille. Tout se passe bien et chacun rentre au maquis avec son chargement sauf Dreux qui n’a pas assez de carrioles pour emporter son stock, lequel est caché dans le bois de Bellegarde.

21 juillet

Les Allemands lancent une opération de police à Châteauneuf en Thymerais et arrêtent Emile Vivier, Fascio et sa femme. Ils cherchent aussi un nommé Jourdan.

Le rapprochement est vite fait pour les résistants avec le parachutage de la nuit précédente : Vivier pour Duvivier, Fascio qui ressemble à Sinclair, même taille, mêmes gros verres correcteurs et sa femme qui porte assez bien un manteau de Silvia Montfort que les soldats ont retrouvé sur le terrain de parachutage.

Les détenus sont copieusement rossés par les soldats avant d’être innocentés et libérés.

24 juillet

Pierre July est arrêté sur les marches du palais de justice de Dreux puis interrogé durement par les soldats qu’il va conduire sur la cache d’armes enfouies à Bellegarde.

25 juillet

Dablin, son fils, Bergeron, Cailleaux et Montet sont activement recherchés et prennent la fuite, Montet vient se cacher à Senonches. André Lortie est arrêté.

Sinclair et Silvia prennent la fuite et vont se cacher dans l’Orne à Lhome-Chamondot au château de la Grande Noe chez Madame de Longcamp.

A 3 heures du matin un bataillon entier de soldats encercle le maquis de Crucey planqué dans le bois de la Rue. Les maquisards réussiront à sortir sans casse de la nasse ainsi constituée. Un seul est légèrement blessé à la main par les tirs aveugles des soldats.

Crucey, 4 heures du matin : une perquisition a lieu chez Yvonne Leroïc, (compagne de Jules Vauchey chef du maquis de Crucey) laquelle a mis son bistrot à la disposition de la résistance. Elle et sa fille Christiane sont réveillées par les soldats qui investissent les lieux. Ils ne trouveront pas Jules Vauchey qui s’est glissé dehors pour se cacher et s’allonger dans les touffes de dahlias qui sont devant la maison.

Yvonne est arrêtée et rejoint Pierre July qui est menotté dans le camion qui les emportent à Dreux. Elle sera déportée à Ravensbrück et reviendra en avril 1945.

Pierre July sera déporté le 17 aout et réussira à sauter du train qui l’emmène dans un camp de concentration.

Cette vaste opération de nettoyage avait été préparée depuis plusieurs jours car un gendarme de St Rémy sur Avre, averti de l’opération, était venu prévenir le maquis de Saulnières de ne pas se rendre à un parachutage prévu à la Pommeraie dans ces jours-là. Louvel, chef du maquis, n’a pas répercuté la consigne et le groupe de Taupin est parti à la réception pour découvrir les centaines d’allemands postés autour du bois de la Rue. Ils réussiront à prendre un chemin à travers champs pour aller se cacher pour quelques jours chez Fernand Thierrée maire de Crucey.

La résistance, décapitée provisoirement, se réorganise : Montet est envoyé à Dreux en remplacement de July et Ginette Jullian, l’opératrice radio, est déplacée d’urgence. Il s’agit de couper les liens avec tous les contacts connus de July qui pourraient être révélés aux Allemands.

Car une bonne partie de ces liens sont connus du contre-espionnage allemand par le travail d’infiltration de Jacques Desoubrie.

Par Picourt, Vauvilliers, July, Moreau et Orial, la filière d’exfiltration des aviateurs est connue des Allemands et cet organigramme complété par les renseignements obtenus à la Pommeraie lors des parachutages permet ce gigantesque coup de filet.

Les groupes de Clévilliers et de la Ferté Vidame sont intacts et continuent les attaques.

Jules Divers, chef de l’important groupe des Chaises, a organisé ses troupes de façon très décentralisée dans le but de détourner toute tentative d’infiltration coordonnée.

En assignant à chacun de ses adjoints une troupe de combattants sur un territoire déterminé et avec des objectifs spécifiques, il évite ainsi tout regroupement dangereux en cas d’infiltration ennemie.

Il y a cependant les parachutages qui sont un point faible pour la sécurité car ils nécessitent de nombreux participants pour enlever le matériel livré par les Alliés. Lors de ces réceptions des jeunes hommes se reconnaissent car ils ont fréquenté les mêmes écoles, les mêmes familles et les mêmes fermes. Cela crée nécessairement des fragilités dans le cloisonnement sévère imposé.

A la Ferté Vidame, c’est presque le même type d’organisation interne avec des groupes indépendants sur des zones géographiques déterminées à l’avance. Toutefois des regroupements sont opérés par nécessité de sécurité lorsque les Allemands conduisent des rafles sur des lieux de concentration de maquisards. La fuite et le repli sur des lieux secondaires favorise ces regroupements dangereux pour la sécurité des hommes.

Finalement, le travail d’infiltration de Desoubrie et de l’Abwher aura été très efficace sur le plan de l’arrestation des aviateurs dont plus d’une cinquantaine ont été pris en Eure et Loir et déportés. Au total, on estime que ces différentes missions ont concerné près de 1500 aviateurs alliés et leurs soutiens ce qui constitue l’un des plus grands bilans des opérations d’infiltration dans les rangs de la résistance.

Par contre, et malgré les coups très durs portés par les Allemands en juillet et aout 1944 contre les maquis, la résistance a réussi à se reconstituer et à poursuivre le combat une fois l’orage passé. Cela étant, il n’aura manqué que quelques semaines à Desoubrie pour réussir dans son entreprise de destruction des groupes de résistants car les forces alliées sont arrivées le 15 aout 1944 en Eure et Loir, modifiant considérablement le rapport de forces entre les Allemands et la résistance.

Schéma des relations entre les groupes, utilisées par l’agent infiltré
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