Jean Pasdeloup, dernier combattant de la Résistance en Eure-et-Loir reçoit la Légion d’honneur
Jean Pasdeloup, figure de la Résistance en Eure-et-Loir a reçu la Légion d’honneur ce samedi 9 décembre 2023 des mains de Jean-François Bège, il va fêter ses cent ans en mars 2024.
Jean Pasdeloup est né le 15 mars 1924 à Maillebois.
(Article et photos par Laurent REBOURS)
La salle de réception de l’Ehpad des Eaux vives du centre hospitalier Victor-Jousselin de Dreux (Eure-et-Loir) a accueilli de nombreux amis et famille de Jean Pasdeloup ce samedi 9 décembre 2023 pour des instants aussi solennels qu’exceptionnels.
Le dernier combattant de la Résistance en Eure-et-Loir encore vivant s’est en effet vu remettre les insignes de chevalier de la Légion d’Honneur.
« Jamais d’oubli pour de tels actes »
Une cérémonie riche en émotions et qui arrive enfin comme a pu le souligner la directrice départementale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, Anne Rothenbühler : « Dieu qu’il était temps ! Je me sens tellement petite et chanceuse. Quel amour de la France et de la République avez-vous dû avoir pour un tel engagement ! Jamais d’oubli pour de tels actes, que de l’admiration ! »
A l’heure où le monde s’embrase à nouveau ici ou là, où les fractures sociétales se font sentir de plus en plus fortes et fréquemment, un parcours comme celui de Jean Pasdeloup ne peut que susciter en effet de l’admiration.
D’autant plus qu’il est à l’image de ces centaines de milliers de jeunes gens qui se sont soudainement retrouvés plongés dans les affres de la guerre avec son cortège d’horreurs. Et toujours avec une humilité chevillée au corps qui fait que Jean Pasdeloup n’a jamais cherché, après la guerre, à mettre en avant ses faits d’arme ou états de service. Ce qui explique aussi cette distinction tardive. Un taiseux, même envers ses proches qui ont bénéficié du travail du CEDREL pour glaner les détails de cet engagement.
Résistant à 18 ans dans son village de Maillebois
Pour revenir sur le parcours impressionnant de Jean Pasdeloup, c’est Albert Hude, président du CEDREL (Centre d’étude et de documentation sur la Résistance en Eure-et-Loir) qui a longuement détaillé les racines d’un engagement en profondeur dans ces réseaux locaux, ces hasards de l’existence qui provoquent de grandes choses, de l’Eure-et-Loir jusqu’au tragique Mont Valérien.
Jean Pasdeloup voit le jour le 15 mars 1924 à Maillebois. Il a tout juste 18 ans lorsque, le 11-Novembre 1942, avec son copain Jeannot Dubray, il installe des drapeaux tricolores sur le monument aux morts de sa commune. Un acte symbolique, patriotique et surtout totalement interdit par l’occupant « il sera bientôt suivi de son engagement croissant dans les groupes clandestins qui se constituent ».
Une amitié s’est tissée avec Albert Hude, président du CEDREL qui a retracé son engagement. Jean Pasdeloup a été l’un des parrains de la création du Centre en 2018.
La ferme familiale de son père Georges, aussi maire de la commune, abrite un Résistant FTP (franc-tireur et partisan) qui s’y est réfugié. Une rencontre qui va changer l’existence de Jean Pasdeloup.
Les messages cachés dans la pompe de son vélo
C’est par ce contact qu’il rencontre Jules Vauchey, chef du maquis de Crucey-Brezolles et qu’il devient agent de liaison en direction notamment du maquis de la Ferté-Vidame. Les messages apportés par Sinclair, chef départemental de la Résistance, sont cachés dans la pompe de son vélo.
Albert Hude Président du CEDREL (Centre d’études et de documentation sur la Résistance en Eure-et-Loir)
Jean Pasdeloup devient Jean-Isidore Lemoine
Aidé d’une fausse carte d’identité au nom de Jean-Isidore Lemoine, le jeune homme se met alors à parcourir des kilomètres pour porter les messages des combattants de l’ombre.
Mais il va bien au-delà puisqu’il passe aussi à l’action militaire, « Vauchey lui demande de venir à vélo avec un panier d’œufs à Crucey et en repartir avec une mine d’explosifs de 3,5 kg à la place des œufs » rapporte Albert Hude.
Une mine qui sera enterrée à la sortie de Maillebois et qui explosera au passage d’un véhicule allemand qui sera détruit, ses occupants tués.
Jean Pasdeloup devient de plus en plus aguerri et, avec un groupe d’une vingtaine de jeunes dirigés par Lionel Armand-Delille et Gérard du Pasquier il participe aux attaques nocturnes sur la départementale 4 qui voit passer de nombreux camions allemands entre Brezolles et Dreux. Entre ses mains, comme dans celles de ses camarades, une mitraillette britannique Sten.
Les combats s’intensifient en août 1944
En ce mois d’août 1944, le débarquement allié sur les côtes normandes a eu lieu deux mois auparavant et la Libération est en marche de la fin de la Normandie vers Paris.
Mais, pris en tenaille dans la poche normande, les troupes allemandes sont aux abois entre les pilonnages des armées libératrices et les actions de plus en plus fréquentes et audacieuses des maquis. S’il y a des désertions et redditions dans les rangs de l’occupant en débâcle, des troupes SS, venant de Normandie, se déchaînent sur les Résistants qu’ils trouvent.
Les deux Résistants faisaient partie d’un des trois groupes chargés d’attaquer une compagnie de transport de la 9e division SS Hohenstauffen. Découvert, leur groupe s’est dissous dans la nature mais Jean et son copain Pierre sont arrêtés. C’est ainsi que Jean et son copain Pierre Vermeir vont se battre au corps-à-corps avec deux soldats qui veulent les capturer à l’entrée de Saulnières.
Jean Pasdeloup parvient à se dégager, il se fait tirer dessus mais, en se jetant dans les fourrés avoisinants, se sauve.
Pierre Vermeir n’a pas cette chance. Capturé, « il va être odieusement torturé avant d’être abattu à Torçay, trois jours avant la Libération. C’est Jean Pasdeloup qui viendra identifier le corps qui a été jeté dans un fossé ».
Mais avec la Libération de l’Eure-et-Loir, les actions de Résistance de Jean Pasdeloup ne s’arrêtent pas là.
« Des rigoles de sang encore frais sur lesquelles il faut avancer »
Il se dirige vers Paris avec des centaines de Résistants d’Eure-et-Loir aux côtés de la 2eDB du général Leclerc.
Sur place on lui confie la mission avec son groupe de capturer Jean Hérold Paquis « qui débitait sur Radio Paris les messages pétainistes. Mais dans son appartement de la rue de la Pompe, il n’y a plus personne ».
Le groupe continue alors pour attaquer et prendre le contrôle du Mont Valérien où les soldats allemands finissent par se rendre, drapeau blanc hissé en tête. C’est en pénétrant dans le tunnel qui mène à la clairière où l’on fusillait la veille encore, que Jean Pasdeloup a une vision d’horreur : il y a des rigoles de sang encore frais sur lesquelles il faut avancer pour neutraliser la place…
A 20 ans une vie marquée à jamais
Lorsque les combats s’arrêtent enfin, Jean a 20 ans mais une vie déjà profondément marquée par cette clandestinité, par ce qu’il a côtoyé, vu, éprouvé. Il reste quelques mois dans cette armée nouvelle se créant autour du Général de Gaulle où il obtient le grade de caporal-chef avant de regagner Maillebois, la ferme familiale et de débuter une vie professionnelle.
Un jeune homme parmi tant d’autres, confrontés à la brutalité soudaine, ayant vécu des moments hors du commun devant revenir se replonger dans le quotidien ordinaire.
Ce que n’a pas manqué de relever, avec beaucoup d’émotion, Jean-François Bège, premier adjoint au maire de La Ferté-Vidame et chevalier de la Légion d’Honneur, en charge de remettre cet insigne à Jean Pasdeloup. « Vous étiez de ces jeunes combattants qui ont regardé sans faillir l’ennemi dans le blanc des yeux ».
Et évoquant les propos du général Lecointre sur le caractère universel de cette Légion d’Honneur « elle a traversé tous les régimes et, en ces temps de fracture de notre société, elle est symbole de l’unité nationale ».