CONFERENCE sur Pierre VERMEIR
La Ferté Vidame le 6 mars 2021
Point de départ de la recherche
Il y a 8 ans, lors d’une conférence sur la résistance tenue à Senonches, Madame Yvette FIRINO qui habite ANTONY (92) et possède une résidence dans la région donne une brochure qu’elle a rédigée sur la libération d’Antony en 1944. Elle travaille sur ces sujets au sein d’un groupe d’historiens locaux.
Profitant de ce contact avec les personnes qui fonderont le CEDREL plus tard, elle demande si nous avons eu connaissance de la disparition d’un jeune homme d’Antony dans « la région de Châteauneuf en Thymerais ». Il s’appelait Pierre VERMEIR et elle n’a aucune autre information si ce n’est qu’une rue d’Antony porte son nom.
Coïncidences
Des années plus tard, lors de recherches pour établir le parcours des résistants du Maquis de Saulnières et après de nombreux entretiens enregistrés on apprend par Monsieur Jean PASDELOUP de Maillebois qu’il a connu un jeune qui a été exécuté par les Allemands dans la région. Agé de plus de 90 ans sa mémoire ne permet pas de suite de retrouver le nom de cette personne. Cela finit par germer et le nom de VERMEIR apparait.
Jean PASDELOUP à l’âge de 20 ans
Révélations
Mr PASDELOUP se souvient un peu de VERMEIR qui n’était pas au maquis comme lui, mais qui a participé à quelques actions contre l’occupant avant l’arrivée des Américains le 15 aout 44. Il était logé dans une ferme en face de celle de Mr PASDELOUP père,maire de Maillebois et il s’y cachait.
En recherchant dans la documentation du CEDREL, on retrouve les documents d’Antony qui indique ce nom et son prénom Pierre VERMEIR.
Mais il faut ensuite retrouver les circonstances de son exécution et vérifier si elle a eu lieu et pour quel motif d’autant que ce nom ne figure pas sur les listes des résistants de ce groupe de Maillebois.
Ouvrir un champ de recherches
Plusieurs pistes s’offrent à cette recherche :
Il faudra un an pour reconstituer le parcours de Pierre VERMEIR au travers de chacun de ces champs de recherches.
Bilan des recherches
Après plusieurs entretiens avec Jean PASDELOUP qui a été en contact direct avec Pierre VERMEIR on peut établir son parcours en détail. Les résultats de ces conversations sont validés par les faits, notamment par les recherches effectuées au cimetière de DREUX et dans l’entreprise de pompes funèbres qui a conservé ses archives.
Il est inhumé dans le caveau familial, mais pas dans le carré spécialisé, avec la mention « Mort pour la France »
Sur la tombe, un rosier est entretenu, ce qui est vérifié par plusieurs visites espacées dans le temps, mais ni le conservateur, ni les pompes funèbres n’ont trace de la famille éventuelle.
Des recherches sur Internet en ciblant la région du Perche permettent de retrouver un petit cousin qui vient fleurir la tombe tous les ans en allant sur Paris depuis Alençon. Il s’appelle Alain VERMEIR né en 1941 et petit fils d’Edmond VERMEIR l’oncle de Pierre chez qui il s’était caché à Maillebois pour éviter la réquisition des jeunes gens pour le STO.
Jean Pasdeloup et Alain Vermeir (Janvier 2019)
Des informations inattendues sur le maquis de Saulnières
Cette recherche apporte un éclairage nouveau sur la résistance locale et sur le maquis de Saulnières notamment à propos de l’attaque par le maquis d’un détachement de la 9ème Panzer SS Hohenstaufen le 11 aout 1944 à Neuville les Bois et qui se solda par 9 tués parmi les résistants.
Un troisième groupe
Par les premières recherches sur le drame sanglant de Neuville les bois, se dessinait une attaque des maquisards lancée à partir de deux groupes :
Ces deux groupes d’une dizaine d’hommes chacun attaquent par le sud du village pour incendier des camions allemands d’une compagnie d’environ 40 hommes au moins. Les grenades incendiaires seront lancées sur les véhicules stationnés au sud derrière la ferme Besnard.
Mais cela ne se passe pas comme prévu car les camions ont été déplacés et sont garés devant la cour de ferme protégée par les murs.
Entrée de la ferme Besnard
Dès le début de l’attaque, marquée par le tir de la mitraillette STEN de Taupin sur une sentinelle, des auto mitrailleuses font feu sur les maquisards. Il y a 4 tués parmi eux dont deux frères blessés et écrasés par les chenilles.
Fusil Mitrailleur BREN
Taupin, Lepouze et Gaillez sont pris vivants. Ils seront atrocement torturés dans le ferme puis pendus devant la population rassemblée par les SS.
Jean Gaillez et Gaston Bonnard
Plus loin, Le Bozec et Nicolas sont capturés aussi puis fusillés aussitôt à Escorpain.
Seul survivant du groupe d’attaque conduit par Taupin, Gaston Bonnard parvient à s’enfuir. De son coté, le groupe de Chesneau bat en retraite dans les bois.
Gaston Bonnard à 20 ans
Mais la rencontre avec Jean Pasdeloup et les recherches sur Vermeir font jaillir un troisième groupe qui est au nord du village de Neuville les Bois. Une quinzaine de résistants est cachée là dans un grenier de Boutaincourt ce 11 aout avec des armes. Il est dirigé par Adrien Louvel qui est devenu le chef du maquis de Saulnières après la mise à l’abri de Confais recherché par la Gestapo.
Adrien LOUVEL
Un plan de bataille du maquis face à une compagnie SS
Ce groupe ne participera pas à l’attaque de la compagnie SS de la 9ème Hohenstaufen. Aurait-il changé le bilan de cette attaque, la plus meurtrière pour les résistants de toute l’Occupation en Eure et Loir ? On ne le saura jamais.
Une coïncidence terrible
Dans cette guerre de l’ombre qui est tellement inégale entre les forces allemandes et les maquis, la moindre information compte.
Comment interpréter la venue d’un adjudant SS le 9 aout 44 à Neuville les bois qui vient réquisitionner des chambres pour loger 80 soldats en provenance du front de Normandie où leur division SS – la 9ème Panzer Hohenstauffen- a été fortement touchée par les Alliés ? Les résistants ne peuvent interpréter cette situation.
Cet adjudant, exécuté par le maquis, est la première partie du drame qui va se dérouler ici avec l’attaque des résistants contre cette unité SS.
Ce qu’ils ignorent, c’est que le Haut commandement Allemand a décidé de constituer une armée dirigée par Kurt von der Chevallerie à partir des éléments épars rescapés de la poche de Falaise-Chambois. Cette armée doit contenir les Américains au sud de Paris et va donc installer le 14 aout 44 des groupes de combat dans la région et un poste de commandement est situé à Fontaine les Ribouts, soit en plein cœur de la zone d’activité du maquis de Saulnières.
C’est la raison pour laquelle l’adjudant est arrivé à Neuville les Bois le 9, modifiant ainsi le rapport de forces de façon tragique.
Copie du rapport de l’Obersturmführer sur les évènements de Neuville les Bois qui ne mentionne pas l’attaque du maquis ni les pendaisons. Il commande une compagnie SS de la 9ème Panzer SS Hohenstaufen.
Réhabilitation de Pierre VERMEIR résistant de Maillebois
Pierre VERMEIR
Né le 23 aout 1925 à PARIS
Décédé autour du 14 aout 1944 à TORCAY (28)
Pierre est le fils de Henri VERMEIR et Marie-Jeanne PETIT.
Il habite avec ses parents à ANTONY (92) rue de l’Aunette, son père est cordonnier.
Né en 1925, il sera très probablement appelé à partir en Allemagne au STO en 1944 quand il atteint l’âge de 19 ans. Il décide de partir se cacher à Maillebois (28) rue Hubert Latham, dans une longère (ancienne ferme) qui appartient à son oncle Edmond VERMEIR, frère de son père.
Edmond VERMEIR est industriel à Dreux, boulevard Saint Martin où il dirige une entreprise de fabrication de chaussures (Usine Flageolet) réquisitionnée par la Wehrmacht ce qui lui vaudra quelques soucis avec la Résistance lors de l’épuration à la libération du département.
Pierre se lie d’amitié avec d’autres jeunes gens de Maillebois dont Jean PASDELOUP fils du maire et qui a rejoint les rangs de la résistance avec son frère Pierre au sein d’un groupe du maquis de Saulnières dirigé par Adrien LOUVEL, réfugié du Tréport et qui a été militaire en 1940.
Pierre VERMEIR arrivé sur le tard dans ce groupe de résistance vers fin juillet ou début aout 44.
Pierre VERMEIR et Jean PASDELOUP sont donc dans ce grenier de Boutaincourt quand, vers 14 ou 15 heures, on aperçoit des sentinelles allemandes qui se postent autour du carrefour devant la planque. PASDELOUP propose alors à son chef LOUVEL de sortir discrètement « deux par deux » en laissant les armes sur place et de fuir vers les champs environnants.
Une quinzaine de maquisards sort ainsi de la planque et se répartit dans la nature sans dégâts. Le groupe ne participera pas à l’attaque de Neuville les bois dans la soirée.
Pasdeloup et Vermeir partent les derniers car Jean Pasdeloup connait bien les lieux et ils se dirigent à travers les blés vers Saulnières.
Arrivés à l’entrée du village vers le cimetière et la mare qui le jouxte, une moto allemande surgit et deux soldats se jettent sur les deux jeunes qui ne sont pas armés. Pasdeloup arrive à se dégager de son assaillant et à fuir par un chemin connu de lui derrière l’église mais Vermeir est pris par les soldats.
Jean Pasdeloup ira se cacher et apprendra plus tard l’attaque de Neuville les Bois. La libération intervient avec les américains le 15 aout et peu de temps après un habitant de TORCAY vient demander à Mr Pasdeloup père, le maire de Maillebois, si quelqu’un peut venir identifier un corps retrouvé dans un chemin proche d’un bois à Torçay.
Jean Pasdeloup se rend sur place et reconnaît le corps de Pierre Vermeir grâce à ses vêtements car son visage est méconnaissable du fait de tortures ignobles.
Il apprendra par la suite qu’un ou deux jours après son arrestation, Pierre Vermeir a été exhibé sur la place du monument aux morts de Fontaines les Ribouts, à genou et mains sur sa tête ensanglantée selon les villageois.
Une cérémonie aura lieu le 18 ou 20 aout 44 à l’église de Maillebois et le corps de Pierre Vermeir sera accompagné par une délégation du maquis au cimetière de DREUX où il reposera le 22 aout 44 dans le caveau familial comportant la mention « Mort pour la France ».
Le nom de Pierre Vermeir ne figure sur aucune stèle des villages de Chataincourt (Neuville les bois), Saint Ange et Torçay ou Maillebois. Ce sont ces trois lieux qui ont été le théâtre de l’activité et de la mort de Pierre Vermeir.
Sa tombe est entretenue par Alain Vermeir né en 1941 et petit-fils d’Edmond, l’oncle de Pierre qui l’avait caché dans sa longère de Maillebois.
A Antony, la rue de l’Aunette a été renommée rue Pierre Vermeir par décision du Conseil Municipal du 30 mars 1945.
Contacté par le CEDREL, Alain Vermeir soutient notre initiative de demander que le nom de son petit cousin germain soit porté sur les stèles dédiées à la résistance locale. Il est prêt à se déplacer, à témoigner de l’histoire familiale et à participer aux commémorations éventuelles.
Une demande de reconnaissance officielle a été formulée par le Président du Centre d’Etudes et de Documentation sur la Résistance en Eure et Loir (C.E.D.R.E.L.) auprès de Monsieur Pierre COLSON directeur de l’ONAC-VG 28.
La cérémonie aura lieu le 11 janvier 2019 à St Ange et Torçay, lieu de la découverte du corps de Vermeir identifié par Pasdeloup en aout 44.
A.Marleix député, G. Hamel Pt de l’agglo de Dreux, C.Deseyne sénatrice, B.Crabbe maire de St ange et Torçay entourant Jean Pasdeloup et son fils
Le monument aux morts de St ange et Torçay. (11 janvier 2019)
Extrait du Bulletin de l’histoire de la Ville d’Antony :
Pierre Vermeir, résistant antonien
Ce résistant a grandi à Antony et a été fusillé par les nazis à Saint-Ange-et-Torçay, en 1944. Sa mémoire a été honorée le 11 janvier, lors d’une cérémonie dans cette commune d’Eure-et-Loir. Voici son histoire.
En dates
7 OU 18 AOÛT 1944
Le corps de Pierre Vermeir est retrouvé à Saint-Ange-et-Torçay
22 AOÛT 1944
Inhumation dans le caveau familial de Dreux, comportant la mention « Mort pour la France »
30 MARS 1945
La rue de l’Aunette est renommée Pierre-Vermeir par décision du Conseil municipal d’Antony
Plaque commémorative du drame du 11 aout 1944 à Neuville les Bois.